Derniers articles Derniers articlesBakel, 1891 : anatomie d’une crise médiatiqueDernières infos« J’ai sous les yeux cinq photographies accusatrices prises dans la brousse de Bakel, aux frontières du Sénégal et du Soudan. L’une est une exposition de têtes coupées, sous la garde d’un jeune nègre. Les quatre autres représentent des cadavres noirs amoncelés, effroyablement roidis dans la convulsion suprême Pourquoi ces cadavres mutilés, pourquoi ces têtes coupées ? Pourquoi ces hommes tués avec les mains liées derrière le dos ? Qu’on réponde si l’on peut, et qu’on ose dire l’histoire de ce massacre ». Georges Clemenceau, « Pour quelques anthropophages », La Justice, n° 5189, 31 mars 1894. 1 Clemenceau est alors un opposant notoire aux menées françaises en Afrique. L’année 1894 est crucia (…) 2 Sylvain Bertschy, « Des «dérapages» et de la guerre coloniale, le cas du Soudan français, 1878-189 (…) 3 La biographie de Joannès Barbier est connue par une série d’articles rédigés de sa main dans Lyon- (…) 4 Les Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence) conservent un fonds très riche à ce sujet (A (…) 1. Quand Clemenceau écrit ces lignes dénonciatrices dans un article acerbe contre les prétentions civilisatrices de la France, les faits sont déjà loin (1). Les photographies, qu’il contemple sans pouvoir les montrer au lecteur de la Justice, qui n’est pas un illustré, ont été prises en janvier 1891 sur la rive du fleuve Sénégal, à Bakel. Elles sont l’un des reflets les plus troublants de ce que l’expérience coloniale française provoque en cette fin de siècle dans ce que l’on appelle le Soudan français. S’y joue un conflit entre les troupes françaises, qui encadrent de nombreux auxiliaires locaux, et l’empire toucouleur dirigé par Ahmadou Tall. Celui-ci doit fuir face à l’avance des colonnes françaises qui prennent sa capitale, Ségou, le 6 avril 1890. Au début de l’année 1891, Louis Archinard, commandant des forces françaises, mène une campagne contre les dernières places fortes des Toucouleurs. La prise de Nioro est réalisée le 1er janvier. Ahmadou s’échappe à nouveau. Les survivants de son armée sont pourchassés et exécutés sur place. La région est déstabilisée par l’offensive et plonge dans la violence pendant plusieurs semaines (2). Du brouillard de guerre qui l’enveloppe émergent en avril plusieurs photographies d’une extrême dureté. Elles sont l’œuvre de Joannès Barbier, un photographe installé depuis peu dans la nouvelle colonie. Originaire de Lyon, il arrive à Rufisque, non loin de Dakar, en 1884, avec l’espoir d’y devenir marchand. Son projet échoue et il se décide à gagner sa vie comme photographe à Dakar d’où il se déplace le long de la côte et vers l’intérieur des terres ( 3.) Accidents photographiques au milieu d’une production classique, ses clichés vont ouvrir une brèche visuelle exceptionnelle. Des gravures inspirées des tirages sont publiées par L’Illustration, le 11 avril 1891, sous le titre « L’œuvre de la civilisation en Afrique ». Immédiatement, le sous-secrétariat des Colonies, inquiet de l’image de l’aventure coloniale française en Afrique, tente de comprendre comment cette crise médiatique a pu advenir (4). 5 Sylvain Venayre, Une guerre au loin : Annam, 1883, Paris, Les Belles Lettres, 2016. 6 Les Dacoïts (« bandits » en Bengali) est le nom donné alors au mouvement insurrectionel qui s’oppo (…) 7 Zahid Chaudhary, Afterimage of Empire, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2012. 2 . En 1883, la question de ce que l’on peut dire des violences engendrées par les conquêtes françaises au loin avait été soulevée. La couverture sans filtres de la conquête de l’Annam par Loti crée la controverse, comme l’a montré Sylvain Venayre (5). Mais l’image n’avait jusqu’alors pas joué de rôle majeur dans ce débat, contrairement à la Grande-Bretagne où le problème est soulevé devant les tribunaux dès la fin des années 1880. Willoughby Wallace Hooper, un officier de l’armée des Indes, cherche à saisir le moment même de la mort de Dacoïts condamnés lors d’une exécution à Mandalay (Birmanie) en janvier 1886 (6). Le soldat-photographe participe alors à la troisième guerre anglo-birmane. L’affaire remonte jusqu’au Parlement et une commission d’enquête est mise en place (7)=. Hooper, muté de la zone birmane vers les Indes, s’en tire à bon compte. Un précédent est toutefois établi. Avec l’affaire de Bakel, les autorités françaises se trouvent confrontées à un problème similaire. Ce qui n’était pas visible le devient, dans un contexte d’expansion coloniale menée en cercle fermé par des militaires, avec le soutien distant de l’exécutif, les critiques régulières du parlement et l’attention limitée de la population française dans son ensemble. La photographie fait son entrée dans le débat colonial. Jusque-là, aucune illustration d’après un tirage n’avait montré d’exactions imputées à des Français. 8 Cf. par exemple le travail de François Guillemot sur les utilisations de photographies de décapité (…) 9 Stéphane Audoin-Rouzeau, « Les violences extrêmes du xxe siècle à l’aune de l’histoire et de l’ant (…) 10 La question des violences sexuelles a été abordée récemment (cf. Pascal Blanchard et alii (dir.), (…) 11 Raphael Samuel, Theatres of Memory, Londres, Verso, 2012, p. 350. 12 Les cinq photographies ont été achetées à un collectionneur privé. Les images étaient conservées a (…) 3. On aura tôt fait de voir dans ces images une exception ponctuelle et peu significative, à tort, et ce pour plusieurs raisons. La question des violences coloniales soulève régulièrement des débats parfois peu compatibles avec la recherche de conclusions solides tant les passions qu’elle suscite peuvent favoriser les distorsions, que ce soit pour les dénoncer de façon indistincte ou pour tenter d’en ignorer la part dans les processus d’expansion. Leur photographie est encore plus problématique. Il n’est pas rare de voir ressurgir, avec des datations très approximatives et des légendes réadaptées, des images transformées en icônes d’un discours de dénonciation du passé colonial (8). On a encore plus souvent laissé cette documentation de côté. L’atrocité et sa photographie font partie de ces « objets détestables » dont l’étude fait peser sur l’historien le soupçon de douteux objectifs (9). Écarter ces images est souvent un geste prudent. L’une des conséquences de cette double pesanteur est la tendance à sous-estimer la visibilité des aspects les plus brutaux de l’expansion de l’influence des grandes puissances coloniales à la fin du xixe siècle (10.) Or les contemporains sont exposés à divers degrés, mais sans ambages, à la violence au loin. L’idée qu’il n’existe que peu de traces argentiques de celle-ci est approximative. On imagine trop souvent le photographe de la fin du xixe siècle encombré d’un lourd trépied un peu exotique, incapable de saisir le mouvement de la guerre et de la violence. Plaçons-le dans des colonies fraîchement établies, loin du confort de l’industrialisation : il paraît, du surplomb de nos technologies numériques miniatures, inapte à documenter autre chose que les peuples et les paysages rencontrés pour peu qu’ils se soumettent aux temps d’exposition capricieux de sa machine à enregistrer. C’est là un cliché dont il faut se départir. Raphael Samuel a souligné combien notre tendance à regarder la photographie en noir et blanc comme un objet exotique pouvait nous empêcher d’y voir des constructions complexes (11). Le matériau photographique « colonial », conservé dans des départements iconographiques distincts dans les archives officielles, a plus servi à illustrer, de façon parfois bien peu critique, qu’à nourrir la réflexion comme véritable source. Les photographies des guerres de conquête et de pacification des années 1880 à 1914, nombreuses mais mal connues, sont éparpillées entre institutions et archives privées. Les fonds les plus accessibles sont généralement ceux conçus et légués par les acteurs de l’expansion, à l’instar d’un Joseph Galliéni ou d’un Hubert Lyautey. Ils n’offrent qu’un reflet photographique très aseptisé de ce que ces conquêtes impliquèrent. Ce n’est que récemment, en Grande-Bretagne notamment, que les pratiques archivistiques ont évolué. Signe d’un changement en France, les photographies de l’affaire de Bakel, étudiées ici, ont été achetées en 2015 par le Musée de l’Armée (12). 13 Jane Lydon, « ‘Behold the Tears’: Photography as Colonial Witness », History of Photography, vol. (…) 14 James R. Ryan, Picturing Empire: Photography and the Visualization of the British Empire, Chicago, (…) 15 Cf. Ariella Azoulay, The Civil Contract of Photography, New York, Zone Books, 2008. 16 Sur l’intolérable, cf. Didier Fassin, Les Constructions de l’intolérable, Paris, La Découverte, 20 (…) 17 Romain Bertrand, « Norbert Elias et la question des violences impériales. Jalons pour une histoire (…) 18 Luc Boltanski, La Souffrance à distance, Paris, Gallimard, 2007. 4. De nombreux travaux ont contribué à replacer la photographie au cœur de la rencontre coloniale, y compris dans ses aspects les plus brutaux (13). L’appareil photographique accompagne presque partout la conquête à l’âge des impérialismes (14). Dès 1868, l’expédition britannique contre l’empereur Téwodros II en Éthiopie bénéficie d’une couverture photographique sans précédent qui sert de source d’inspiration en Grande-Bretagne comme en France par la suite. Dès lors, rares furent les opérations extra-européennes sans photographies, qu’elles soient secrètement gardées dans des albums privés, ou diffusées à des fins de propagande. L’intérêt d’observer le photographe à l’œuvre sur les franges d’expansion coloniale réside dans la nature intrinsèquement mouvante de ce type d’image. La photographie ne se limite pas à la fixation chimique en deux dimensions de quelque chose qui s’est passé. Elle est par essence relationnelle (15). La signification d’une photographie particulière est sans cesse redéfinie dans la tension qui s’installe initialement entre un sujet photographié et le photographe, puis entre l’image prise et son spectateur. Une image d’abord sans problèmes pour son producteur peut rapidement être subvertie par celui qui la regarde, à l’instar de celles de l’affaire de Bakel. Dans ce processus dynamique, face à l’image extrême, se révèlent souvent les contours de l’intolérable pour l’observateur, le producteur voire le sujet de l’image lui-même (16). Les photographies de Joannès Barbier sont donc l’occasion de voir ce que la relation photographique révèle, dans ce cas particulier, des sensibilités coloniales françaises à l’époque (17). Aussi douloureuses que soient ces photographies, leur étude est révélatrice du rapport métropolitain à la « souffrance à distance (18) ». Au travers de l’examen d’archives inédites, elle offre une entrée circonstanciée dans les usages de la photographie en situation coloniale et dans ses basculements. Arrière-plan 19 Louis Archinard, « Rapport sur la campagne 1890-1891 », J.O., octobre 1891, p. 4902 et suiv. Les r (…) 20 Jacques Frémeaux, L’Afrique à l’ombre des épées : 1830-1930, Paris, SHAT, Établissement d’impressi (…) 5 . Pour comprendre le contexte dans lequel ces photographies ont été produites, il faut revenir sur les particularités de l’intervention française en Afrique de l’Ouest à la fin des années 1880. La conquête du Soudan français fut suffisamment marquée par l’extrême violence pour que les rapports officiels eux-mêmes s’en fassent l’écho (19). Louis Archinard gouverne alors le territoire sans que ses tutelles parisiennes ne puissent concrètement s’immiscer dans le processus de décision au niveau local. Il mène les opérations sans contrôle direct de la métropole, mais avec le soutien distant de Paris (20). Il ne cache pas sa foi dans une forme de guerre dure face à l’empire toucouleur d’Ahmadou systématiquement décrit comme une force d’oppression et de chaos par les coloniaux français. L’utilisation massive de supplétifs Bambaras par des officiers français exploitant les rivalités interafricaines favorise manifestement les exactions durant ce conflit. Le débat sur les méthodes utilisées par les officiers français dans le combat contre l’empire toucouleur s’étend jusqu’à Paris où parviennent des échos de ce qui se passe dans la zone du fleuve Sénégal et au-delà. 21 ANOM, Fonds De Lamothe, 4PA/1, lettre du 16 avril 1891. 6. La situation dégénère autour de Bakel au début de l’année 1891. Des soldats d’infanterie de marine s’y trouvent isolés et apparemment malades. Les populations locales sont décrites dans les archives comme terrifiées par l’arrivée possible de colonnes toucouleurs en retraite face à l’avancée des troupes commandées par Louis Archinard. La confusion règne. Des dizaines de soldats de l’armée d’Ahmadou, alors en débandade, sont exécutés et décapités à partir de la mi-janvier, non loin du poste français dirigé par le capitaine Émile Roux (21). Joannès Barbier se trouve alors à Bakel et prend plusieurs photographies des atrocités. Elles finissent dans les bureaux parisiens du journal L’Illustration qui publie des gravures à partir de ces documents, le 22 avril 1891. La photographie s’insère pour la première fois dans le débat colonial. 22 Ses photographies de la région sont données à la Société de Géographie en 1885 (cote SG WE-30). 23 Archives du département d’ethnologie du musée de l’Homme, Lettre d’Archinard au conservateur, 22 s (…) 7. Jusqu’en 1891, c’est par l’écrit que les détails les plus troublants de ce qu’implique l’avancée de l’influence française au Soudan parviennent jusqu’à la métropole. Rapports officiels et télégrammes, sans faire complètement l’impasse sur les conséquences les plus dures du combat, n’évoquent que partiellement ces réalités, car, si la photographie accompagne très tôt des opérations dans la région, les images documentant ces aspects de la guerre sont en général absentes des albums et des tirages envoyés en France. Dès le début des années 1880, alors que le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes mène plusieurs expéditions dans l’actuel Mali, Pierre-Léon Delanneau, un officier de cavalerie, participe aux trois missions menées entre 1880 et 1883 et en assure la couverture photographique (22). Quelques années plus tard, Louis Archinard lui-même fait réaliser des clichés de sa marche vers Ségou et de la prise de la ville (23). Les officiers-photographes pratiquent d’eux-mêmes une certaine autocensure et, entre villages, paysages et types ethniques, privilégient des sujets et cadrages assez attendus. 24 Édgard Imbert et Maurice Poincet, La photographie en France et dans les pays chauds, Toulon, Liaut (…) 25 Alexandre d’Albéca, « Au Dahomey », Le Tour du Monde, 25 août 1894, n° 8, p. 126 : « le 25 janvier (…) 26 Jacques Serre, La Campagne Du Dahomey. 1893-1894, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 112. 27 Ibid., p. 141. 28 Clare Harris, The Museum on the Roof of the World: Art, Politics, and the Representation of Tibet, (…) 8. À mesure toutefois que le coût des appareils photographiques chute et que leur manipulation devient plus aisée, de plus en plus d’individus sont susceptibles de produire des images de l’expérience coloniale, qu’ils soient liés directement aux troupes coloniales ou qu’ils opèrent en simples amateurs autorisés à accompagner les expéditions. Kodak sort son premier appareil à pellicule en 1888. Les photographes français partis dans les « pays chauds » lui préfèrent le Vérascope Richard, sorti en 1893, pour sa robustesse et la résistance des plaques qu’il utilise aux climats tropicaux (24). En ce début des années 1890, la photographie est devenue portable, non seulement parce que les nouveaux appareils sont moins encombrants, mais aussi parce que ceux qui la pratiquent en Afrique ou en Asie disposent de porteurs nombreux, forcés parfois, pour transporter les plaques et les chambres noires. Les appareils photographiques ne sont donc pas rares sur les franges d’expansion de l’empire français. Cette pratique devient un moyen d’arrondir des revenus qui ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. Lors de la campagne du Dahomey de 1894, c’est à celui qui arrive le plus rapidement à faire parvenir un portrait du roi du Dahomey, Béhanzin, tout juste capturé. François Michel, aide-commissaire dans les troupes du Général Dodds, est le premier à réussir à le saisir le 26 janvier 1894 (25). Dès février, il joint le portrait à une lettre écrite à son frère Joseph et précise : « si l’envie te prenait d’envoyer la photographie de Béhanzin à un journal, tu peux le faire d’autres officiers l’auront photographié et vont envoyer en France des épreuves (26 »). Quelques semaines plus tard, le photographe devient plus prudent. Il craint d’être accusé de « trafic, ce que l’on est souvent porté à dire de quelqu’un qui fait de la photographie (27 »). Le cas est loin d’être exceptionnel. On fait de même du côté britannique. Les participants de l’expédition Younghusband au Tibet (1903-1904) vendent par exemple de nombreux clichés aux illustrés britanniques, comme le souligne Clare Harris (28). 29 Philippe David, « Hostalier – Noal. Un duel de photographes au Journal Officiel du Sénégal, il y a (…) 30 Son frère, dans une lettre du 14 avril 1891 à M. Coussy (ANOM 1602 COL 2), chef du service colonia (…) 31 Pour une vue de Bakel, voir les photographies prises par Joannès Barbier lui-même, probablement au (…) 9 . Joannès Barbier, dont les photographies vont servir de base aux gravures publiées en avril 1891 par l’Illustration, n’est pas un soldat. D’autres photographes parcourent la région à la fin des années 1880, dont Louis Hostalier, Félix Bonnevide, et les frères Noal (29). Barbier, comme des collègues, est invité à accompagner certaines expéditions (30). Il obtient en 1891 l’autorisation du gouverneur du Sénégal, Henri de Lamothe, de s’embarquer sur un aviso de guerre. Il est envoyé documenter les effets d’une crue du fleuve Sénégal. Arrivé à Kayes, Barbier tombe malade. Il part de la ville fin décembre et remonte le cours d’eau pour rejoindre Saint-Louis. Il arrive à Bakel quelques jours plus tard alors que les exécutions de Toucouleurs, qui sont au cœur de la crise évoquée ici, ont lieu dans les environs (31). Parmi les tirages de Barbier conservés dans les archives, pour la plupart typiques de la production de l’époque en Afrique, les images des exécutions de Bakel constituent une incision visuelle inattendue, un accident. Comme beaucoup d’officiers- photographes, Barbier envoie des tirages commercialisables à sa famille restée en France. Le frère de Joannès, Louis, est chargé de cette diffusion. De façon assez imprudente, celui-ci propose à la vente cinq de ces clichés morbides. Ils vont déclencher le scandale (fig. 1). Fig. 1 : Joannès Barbier, « Les corps traînés au bord du fleuve pour être jetés à l’eau », janvier 1891, tirage aristotype collé sur carton. Agrandir Original (jpeg, 188k) Paris, musée de l’Armée, Inv. 2015.10.4. 32 Légende écrite au verso de la photographie conservée au Musée de l’Armée (cote 21800.59). 33 ANOM 1602 COL 2, de Lamothe à Étienne, message n° 401, avril 1891. 34 Cf. notamment ses vues de Kayes (BNF, SG WE-164) ou des Cayor (BNF, SG WE-99) et ses portraits (BN (…) 35 ANOM 1602 COL 2, 14 avril 1891. 36 Dans un télégramme daté du 14 avril 1891, de Lamothe écrit à Émile Roux vouloir faire « comprendre (…) 10. Quatre photographies montrent des cadavres sous différents angles, d’abord dans la brousse puis sur la rive du fleuve dans lequel ils vont être jetés. Les photographies ne sont pas volées. Dans l’une d’entre elles, un groupe d’auxiliaires, dont l’un porte un uniforme, posent pour le photographe près d’un amas de corps. Deux légendes précisent : « exécutions de prisonniers de guerre (environs de Bakel) » et « les corps traînés au bord du fleuve pour être jetés à l’eau ». La cinquième photographie est prise à part, dans Bakel même. D’après une légende écrite à la main, il s’agit d’un « indigène venant d’apporter à Bakel 5 têtes de prisonniers capturés parmi les fuyards des bandes d’Ahmadou (32) ». D’après l’un des courriers d’Henri de Lamothe, qui tente de faire la lumière sur ce qui s’est passé, « Barbier a arrangé les têtes pour faire une scène macabre (33 )». De fait, la photographie est encore plus construite que les autres images, car Barbier a pu contrôler les conditions de la prise de vue mieux que pour l’autre scène. D’un point de vue formel, elle se rapproche des vues exotiques auxquelles il était habitué (34). La disposition des têtes, la présence d’un vivant, l’angle de vue travaillé, démontrent qu’il prend le temps de faire une véritable composition. Cette mise en scène au cœur d’un village est le signe que pour Barbier et les Français présents, l’acte de photographier de tels objets n’est pas problématique en soi. Seule leur diffusion hors du cercle des initiés semble poser de réelles questions. Émile Roux, le commandant du cercle de Bakel, note ainsi : « À Bakel, Barbier m’a montré plusieurs de ses photographies. Je lui ai fait observer combien leur mise en vente serait immorale ; il a fait la promesse formelle devant les officiers qu’il n’en ferait jamais commerce (35 )». De façon significative, Barbier développe rapidement ses négatifs et en montre des tirages à Bakel. Une première circulation contrôlée a lieu auprès des coloniaux présents dans la zone. Dans cet espace situé loin de la métropole, comme les agents de l’expansion française le répètent à l’envi, des normes différentes s’appliquent (36). 37 Cf. par exemple Édouard Hocquard, Une campagne au Tonkin, Paris, Hachette, 1892, p. 249. 38 Georges Guille-Escuret, Sociologie comparée du cannibalisme, vol. 1, Paris, PUF, 2010. 39 ANOM 1602 COL 2, L. Barbier à Étienne, reçu le 29 mai 1891. 40 Au taux, très théorique, de conversion proposé par l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/information/24 (…) 41 Il a été impossible d’accéder aux archives de L’Illustration conservée par la Bibliothèque Nationa (…) 11. Le fait que les deux frères, qui finissent par se défendre de toute visée commerciale quand la crise éclate, proposent ces images à la vente hors de ce premier cercle de consommateurs n’est pas surprenant puisqu’un marché existe pour ce type de photographie. Au Tonkin, les instantanés de décapitation sont déjà un sous-genre établi37. Les illustrations des récits de voyage en Afrique participent à développer une iconographie parfois violente avant l’arrivée de la photographie. Les évocations de l’anthropophagie africaine et des pratiques guerrières locales font sensation. On condamne James S. Jameson, désireux de dessiner selon nature, pour avoir acheté une fillette qui fut livrée à un rituel cannibale en 1887 non loin de Kasongo (actuel République Démocratique du Congo), mais ce type d’image attire (38). Il y a une demande et les Barbier vont la satisfaire. Leur surprise et leur embarras face à la réaction de l’opinion publique et du monde politique à l’égard de ces images sont donc réels, même s’ils n’ignoraient pas totalement les remous qu’elles pourraient provoquer. Dans un courrier d’une mauvaise foi assez évidente, Louis Barbier évoque ainsi les circonstances de la vente des clichés à des fins de publication (39). Fin mars 1891, il envoie ces images à Lucien Marc, directeur de L’Illustration qui lui demande des tirages sans la signature de son frère, afin de le protéger le cas échéant. Même si Louis se défend d’avoir voulu gagner de l’argent dans sa lettre, il accepte alors 200 francs (40). Cet éclairage rare sur les transactions photographiques de L’Illustration démontre l’existence de pratiques bien établies. Le tarif est certainement connu des photographes susceptibles de fournir une image à sensation. Les sources sont rarement anonymisées dans ce périodique. Le fait qu’elles le soient ici montre que l’éditeur a pleinement conscience du choc visuel et politique dont les gravures du massacre sont porteuses (41). En proposant leurs clichés à un grand journal, les Barbier deviennent fortuitement les instruments d’une controverse en photographies sur les effets de la colonisation de l’Afrique et les révélateurs involontaires de seuils de tolérance mouvants en métropole. Trajectoires des images en France 42 Anon, « L’œuvre de la civilisation en Afrique », L’Illustration, 11 avril 1891, n° 2511, p. 312-31 (…) 43 Cf. Thierry Gervais, « D’après photographie », Études photographiques, vol. 13, 2003, p. 56-85. 12. L’Illustration publie les gravures inspirées des photographies de Barbier en avril 1891 (42). L’article s’étend sur deux pages (fig. 2). Une première gravure inspirée d’une des photographies prises par Joannès Barbier sur les rives du Sénégal introduit le propos. Le graveur anonyme y transforme l’image originale en ajoutant une tête décapitée en avant-plan et en cachant les parties génitales exposées par des pagnes. Les définitions de ce qui est intolérable à la vue de chaque époque ont ainsi leurs particularités. La deuxième page, par une habile utilisation de la mise en page, transmet un message indirect. La juxtaposition d’un portrait de Mahmadou Racine, le tirailleur sénégalais le plus connu de cette fin du xixe siècle, d’un groupe d’officiels français en charge de la région et de la scène macabre tisse l’écheveau des responsabilités sans avoir à les écrire. Une illustration spectaculaire en double-page vient conclure l’article. La gravure réalisée par Émile Tilly montre l’instant où les cadavres sont amarrés à des barques pour être jetés au fleuve en aval de Bakel. L’image est composite. Tilly mêle des éléments des deux clichés de Barbier qui documentent ce moment. Là encore, les nudités sont cachées. L’uniforme de tirailleur a disparu. Les visages des auxiliaires sont revus et corrigés pour donner plus d’élan dramatique à l’image. Rien d’original dans ces reconstructions gravées de photographies par la presse (43). Fig. 2 : Émile Tilly, « Cadavres de prisonniers exécutés après le combat de Nioro », gravure d’après photographie, in « L’œuvre de la civilisation en Afrique », L’Illustration, n° 2511, 13 avril 1891, p. 312. Agrandir Original (jpeg, 254k) 13 . Le texte qui accompagne les images est un exemple de réflexivité de la pratique éditoriale. L’auteur commence par s’excuser : « nous demandons pardon à nos lecteurs de leur mettre sous les yeux de lugubres tableaux ». L’article explique ensuite dans quelles conditions elles se sont produites en veillant à ne pas accuser trop directement les autorités françaises sur place. Les morts sont présentés comme des « fuyards d’Ahmadou » dont l’exécution par les habitants des villages voisins aurait été encouragée par les troupes coloniales. Plus qu’une critique virulente de la colonisation française, le texte, en une dénonciation indirecte de la stratégie d’Archinard, fait l’éloge d’une école moins brutale en matière de conquête, celle « de Brière de L’Isle au Tonkin et de Faidherbe au Sénégal ». L’article est anonyme mais il est probable que Lucien Marc lui-même ait participé à sa rédaction. Il reste assez inhabituel dans un journal dont la ligne, au long des décennies, n’est pas particulièrement radicale face à la colonisation. L’anticipation de la sensation suscitée par les images joue probablement son rôle dans la décision de publier l’article. 44 ANOM 1602 COL 2, 16 avril 1891, de Lamothe à Étienne. 45 ANOM 1602 COL 2, 12 avril 1891, de Lamothe à Roux. 46 ANOM 1602 COL 2, 14 avril 1891, de Lamothe à Roux. 47 Ibid. 48 ANOM 1602 COL 2, Roux à de Lamothe, 13 avril 1891. 49 Fonds Auguste Terrier, Bibliothèque de l’Institut, cote : ms 5938, 80-81, Archinard à E. Étienne, (…) 14. Dès le 10 avril, avant que le numéro de L’Illustration incriminé ne paraisse, un télégramme est envoyé de Paris à Saint-Louis du Sénégal pour tenter de comprendre comment les images sont arrivées jusqu’à Lucien Marc (44). Eugène Étienne, le sous-secrétaire d’État aux Colonies, pratique une veille attentive. Dans un contexte où l’expansion coloniale est loin de faire consensus, la promptitude de sa réaction est révélatrice de ses craintes. Il demande des éléments qui pourraient lui permettre de contredire l’article, qui, à ses yeux, ne peut que dénaturer des « faits » qu’il découvre. De Lamothe envoie un télégramme à Bakel. Lui aussi craint pour « l’avenir même » du Soudan (45). L’Illustration vient de révéler des éléments gênants à cette « opinion (de la) métropole » dont le soutien – ou plutôt l’ignorance – est crucial aux projets d’expansion français en Afrique de l’Ouest (46). Une forme d’urgence saisit les autorités locales. Les échanges se succèdent sans que les faits ne soient clairement établis. On tente d’abord de se convaincre que ce sont les villages de la région du Guidimakha, au nord de Bakel, qui ont procédé aux exécutions et qui ont amené les têtes décapitées comme preuve de leurs actions (47). Une lettre d’Émile Roux, le commandant du cercle de Bakel, rend les choses moins simples. Les têtes photographiées par Barbier à Bakel sont bien des trophées rapportés par les villages voisins, les corps mutilés et jetés au fleuve sont ceux de soldats d’Ahmadou exécutés par des auxiliaires, et vingt autres exécutions ont eu lieu sous le contrôle de Roux lui-même après interrogatoire (48). Le commandant du cercle de Bakel revendique une partie de la responsabilité de ce qui est advenu, alors-même que Barbier tente de dédouaner ses compatriotes. Archinard, qui nie d’abord les faits, finit par confirmer qu’il a bien recommandé « à tous les commandants de poste la plus grande rigueur dans la surveillance à exercer sur les Toucouleurs ». Selon lui, « le capitaine Roux a rendu un grand service au Soudan (49 )». 50 Journal des Débats politiques et littéraires (12 avril 1891, p. 2), Le Temps (13 avril 1891, p. 2) (…) 51 L’Illustration, 20 avril 1891, n° 2512, p. 342. 52 Joannès Barbier, « Au Sénégal », Lyon-Exposition, n° 76, 2 septembre 1895, p. 5. 53 Le Paris, 16 avril 1891, p. 2 Jean Grave, Patriotisme, Colonisation, Paris, Temps nouveaux, 1903 , (…) 54 Sutter-Lautmann, « Aveu déguisé », L’Intransigeant, n° 3925, 13 avril 1891. 55 Augustin Hamon, La France Politique et Sociale (année 1891), Paris, Savine, 1893, p. 218-219. 56 Le Matin, 29 avril 1891, p. 1. 57 Anonyme, « Encore les anarchistes », Le Petit Journal, 13 janvier 1892, p. 2. 15. Avant-même de recevoir des informations précises, une note de l’agence Havas circule dès le 13 avril 1891 (50). Elle est rédigée à l’initiative du sous-secrétariat aux colonies pour allumer un rapide contrefeu médiatique. On y lit : « la publication de ces dessins et le récit qui les accompagne sont présentés de manière à laisser croire que l’exécution aurait eu lieu à l’instigation des représentants de l’autorité française. Nous sommes autorisés à déclarer qu’il n’en est rien ». Lucien Marc publie la note et la conteste. Il tient les photographies à disposition des autorités ainsi que des lettres détaillant les événements (51). En dépit de ces précautions, l’article fait scandale et donne lieu à une interpellation à la Chambre (52). Les clichés de Barbier lui échappent. Les destins de telles images divergent en fonction des observateurs et révèlent une diversité d’attitudes face aux violences liées aux avancées françaises en Afrique de l’Ouest. Octave Lebesgue dit Georges Montorgueilécrit un article en réaction à la publication des gravures peu après leur publication dans le journal Paris (53). Il est diffusé à nouveau en 1903 dans une anthologie anticoloniale intitulée Patriotisme, Colonisation préfacée par Élisée Reclus. Dans L’Intransigeant du polémique Henri Rochefort, on rapproche les tentatives d’étouffer le scandale photographique de la censure qui s’exerça en 1883 contre les descriptions de massacres de prisonniers en Annam par Pierre Loti (54). Des critiques plus radicales surgissent dans la capitale. Du côté des anarchistes, on n’hésite pas à faire imprimer illégalement des placards sur Bakel. Ils sont collés sur les murs de Paris juste avant le 1er mai. On s’y adresse aux soldats de l’armée coloniale : « qu’ils périssent ces chefs qui, à Bakel, ont fait tant et tant périr de victimes ils commandèrent des chaloupes, des cadavres y furent amarrés un photographe n’a pas pu tuer des hommes, lier des cadavres la scène a eu lieu et à la seule vue de sa reproduction, soldats, un cri d’horreur va vous échapper (55) ». Au milieu de l’affiche dénonciatrice, l’imprimeur a mis des reproductions des gravures de L’Illustration. Deux hommes, Eugène Mursch et Jacob Sluys, anarchistes de l’Est parisien sont pris en train de coller les placards et sont arrêtés à Paris (56). Une femme, Eliska Coquus, semble avoir pris en photographie les illustrations pour en faciliter l’impression sur des affiches imprimées secrètement (57). 58 Stephen Bruner, Late Nineteenth-Century Italy in Africa: The Livraghi Affair and the Waning of Civ (…) 59 Une critique de l’article de L’Illustration y paraît en mai 1891 (Bulletin du Comité de l’Afrique (…) 60 Le London Times du 13 avril 1891 (p. 6) présente soldats français comme les protecteurs des fugiti (…) 61 Message du 22 avril au Ministère des Affaires Étrangères. 62 Sur le co-impérialisme, Martin Thomas and Richard Toye, Arguing About Empire: Imperial Rhetoric in (…) 16 . L’espace médiatique dans lequel se développent les photographies dépasse de surcroît la scène française. Eugène Étienne s’inquiète immédiatement des répercussions que pourraient avoir ces images à l’étranger. Dans un contexte de concurrence coloniale avec la Grande-Bretagne, il s’agit de veiller à ne pas donner une image désastreuse des menées françaises en Afrique. Les Britanniques ont déjà eu des scandales similaires à gérer. L’expédition de secours à Emin Pasha, menée par Henry M. Stanley, est devenue un sujet très polémique. En Italie, en mars 1891, un scandale éclate autour des « horreurs de Massaouah ». Un officier nommé Livraghi avoue avoir pratiqué des exécutions de masse (58). Contrôler l’image de la colonisation française est devenu un souci pour ses propagandistes. La création du Bulletin du Comité de l’Afrique Française en janvier 1891 participe de cette stratégie (59). La presse britannique ne saisit toutefois pas l’occasion. Seuls le London Times et quelques titres publient un communiqué Reuters sur la question. Il innocente les Français (60). L’ambassadeur de France à Londres surveille la presse et rassure Paris. On parle de Bakel à Londres, mais en privé (61). Les raisons de ces silences britanniques à une époque d’intense compétition coloniale en Afrique résident en partie dans le souhait, partagé, de ne pas projeter une lumière trop crue sur les campagnes des uns et des autres (62). 63 Pierre Favre, « Iconographie d’une fusillade », in Madeleine Rebérioux (dir.), Fourmies et les pre (…) 64 ANOM 1602 COL 2, Étienne à L. Barbier, 10 juin 1891. 65 ANOM 1602 COL 2, L. Barbier à Étienne, lettre reçue le 29 mai 1891. 66 Le Gaulois, 2 juillet 1891, p. 1 : « C’est très joli d’appeler les gens “prisonniers inoffensifs”, (…) 67 La Croix, 3 juillet 1891, p. 2. 68 Le Figaro, 9 juillet 1891, p. 2. 69 Julie d’Andurain, Colonialisme ou impérialisme ? : le parti colonial en pensée et en action, Paris (…) 70 J.O. Débats parlementaires, 1er décembre 1891, p. 2367 71 Cf. citation introductive. 17 . Par chance pour les défenseurs de l’expansion coloniale, « un clou chasse l’autre », comme le dit un proverbe encore en usage au xixe siècle. À Fourmies, le 1er mai 1891, vers dix-huit heures, des soldats français tuent neuf personnes en quelques secondes. Des morts plus proches occupent les unes des journaux (63). Alors qu’une lettre de Joannès Barbier est envoyée à l’Amiral de Vallon, député du Sénégal début mai, on juge utile de ne pas pousser à sa publication. Eugène Étienne considère « inutile de raviver dans la presse un débat qui semble clos (64 )». Louis Barbier note lui-même que : « les évènements de Fourmies et autres lieux ont détourné en France l’attention publique de ces faits lointains (65) ». Les remous autour de la question des méthodes d’Archinard et d’autres officiers impliqués dans la conquête du Soudan ne s’apaisent pas par la suite. Début juillet 1891, un nouveau contrefeu est allumé. Une lettre d’Archinard est publiée par Le Gaulois le 2 juillet (66.) La Croix publie l’article tel quel le lendemain (67). Le Figaro en publie un extrait avec le commentaire suivant, « en temps de guerre avec des sauvages, la sensiblerie serait un système assez naïf (68 )». Les titres de presse qui sont les relais du parti colonial en formation (il naît en tant que groupe parlementaire en juin 1892) avancent ces argumentaires alors que les critiques de la politique française au Soudan sont vives (69). À la séance du 30 novembre 1891, Camille Pelletan, farouche opposant aux projets d’Eugène Étienne, dénonce les pratiques des « Soudanais ». Il les accuse d’apparaître « aux populations comme un maître noir qui serait blanc (70 )», c’est-à-dire comme un pouvoir caractérisé, par ses pratiques, par une continuité avec les empires africains renversés par les interventions françaises. Pendant des années, les photographies sont évoquées par ceux qui critiquent les projets coloniaux de la France. C’est Clemenceau qui se saisit à nouveau du sujet en 1894. Il possède des tirages des photographies et les place au cœur d’un réquisitoire bien connu contre les visées françaises en Afrique (71). 72 Entre autres, Roland Barthes, La Chambre claire, Paris, Gallimard, 1980. 18 Les promoteurs de la conquête du Soudan se trouvent confrontés à une des premières crises médiatiques de la colonisation française. Elle implique un élément crucial, la photographie, dont ils apprennent, à cette occasion qu’elle peut avoir des effets dévastateurs dans l’opinion publique en formation. Dans la correspondance qui s’installe entre les autorités françaises sur place et à Paris, on lit cette prise de conscience que l’image photographiée est distincte des autres documents. Elle relève d’une valeur indicielle que la théorie de la photographie a identifiée depuis longtemps (72). Elle installe un rapport à la chose photographiée qui semble plus direct que dans la médiation de l’écrit ou de l’œuvre dessinée. Étienne constate avec soulagement que les images de Bakel ne sont que des « dessins » d’après photographie du côté des accusés. Les vues de Barbier sont donc exposées à travers un premier filtre qui les rend plus supportables. Le débat autour des exécutions de Bakel se trouve donc à la convergence, inédite en 1891, des violences coloniales, de l’enregistrement photographique et du développement de la presse illustrée. 73 Ariella Azoulay, op.cit. 19 Étienne, de Lamothe ou Barbier lui-même réalisent en outre que la photographie a la capacité d’échapper très facilement à son auteur. L’événement médiatique qui s’ensuit est une parfaite illustration de la complexité des relations qui se nouent autour de l’image photographique, justement décrites par Ariella Azoulay (73). Dans la relation triangulaire entre ce qui est photographié, le photographe et celui qui regarde la photographie s’insinue une multiplicité d’utilisations et d’interprétations possibles. De façon significative, cette fluidité du sens des images de Bakel devient tout de suite évidente pour ceux qui, à Paris ou en Afrique, tentent de circonscrire la crise. Une critique citoyenne s’invite dans les campagnes soudanaises, d’autant plus brutalement qu’un reflet photographique de celles-ci est vu en métropole. Hors-champ : photographie, violence et conquête coloniale 20 L’affaire de Bakel est aussi et avant tout une histoire africaine. On ne peut la lire qu’indirectement à travers les archives ici exploitées. Dans ce hors-champ de la documentation deux aspects fondamentaux peuvent être soulignés. 74 Marc Michel, « Deux lettres de Marchand à Liotard », Outre-Mers. Revue d’histoire, vol. 67, 1965, (…) 75 Frank Crozier, Five Years Hard, Londres, J. Cape, 1932, p. 167. 76 David Robinson, Sociétés musulmanes et pouvoir colonial français au Sénégal et en Mauritanie, 1880 (…) 21 Ce que personne ne dit ouvertement des photographies de Barbier et de la mise en scène concrète des cadavres à l’époque, c’est que leur premier public est africain. La mise en scène des têtes décapitées à Bakel a pour premiers spectateurs les habitants du poste, les auxiliaires et leurs familles, des locaux de passage, Barbier faisant en outre des tirages sur place. Si rien ne le montre directement, il est loin d’être impossible que certains de ces tirages soient montrés à ces habitants, voire aux populations alentour à titre d’avertissement. La pratique du trophée photographique, censée décupler l’effet d’une exécution par décapitation, est avérée chez les troupes françaises et britanniques en Afrique à l’époque. Jean-Baptiste Marchand, chargé de réprimer la révolte des Batékés en 1896, enfume les derniers rebelles dans une grotte. Le chef est décapité. Sa tête, déposée sur la tombe d’un officier français tué par ce dernier, est prise en photographie pour être montrée, très certainement, dans les villages alentours (74). Du côté britannique, on utilise des techniques similaires durant la campagne contre le sultanat de Sokoto en 1903 (75). La photographie de Barbier, ou plutôt l’acte de photographier à Bakel, est un message pour un public local. Dans la même logique, alors que la correspondance archivée explique que l’amarrage des corps vise à éviter des problèmes sanitaires, il est probable qu’on veuille faire publicité du destin des combattants d’Ahmadou en aval. Quelques semaines plus tôt, à Podor, les autorités françaises font exécuter trois suspects dans le meurtre d’Abel Jeandet, un administrateur colonial tué le 2 septembre 1890 (76). Leurs têtes sont exposées et leurs corps jetés au fleuve dans un but similaire. 77 Fonds Auguste Terrier, Bibliothèque de l’Institut, cote : ms 5937, extraits des carnets de W. Merl (…) 22 Ces éléments échappent souvent à l’archive. Il faut lire les notes prises par William Merlaud-Ponty, secrétaire particulier d’Archinard, pour comprendre que les exécutions sommaires sont monnaie courante durant la campagne. Mises à l’abri dans les dossiers d’Auguste Terrier, secrétaire général du Comité de l’Afrique française, elles offrent un récit sans fard de ces procédés. À Tambaka, en décembre 1890 « on fouille le village et on trouve encore quelques toucouleurs, des femmes et des enfants on tue 7 toucouleurs il y a à la porte du colonel 71 femmes et 60 gosses des pillards d’auxiliaires veulent enlever ce butin ils se jettent sur ce tas comme des chiens sur la charogne, ils enlèvent les enfants et les gamines (77) ». 78 Romain Bertrand, « Norbert Elias et la question des violence impériales. Jalons pour une histoire (…) 79 Cf. note 34. 80 Ricardo Roque, Headhunting and Colonialism: Anthropology and the Circulation of Human Skulls in th (…) 81 ANOM 1602 COL 2, lettre du 14 avril 1891, de Lamothe à Roux. 23 C’est ce contexte qui explique pourquoi Barbier prend ces photographies extrêmes. Écho de la « polyphonie morale » qui caractérise les sensibilités coloniales, il enregistre des pratiques qui ne choquent que depuis la métropole (78). Émile Roux, le commandant de Bakel, ne fait aucune difficulté à annoncer qu’il a fait exécuter vingt fuyards d’Ahmadou pour l’exemple. Dans la guerre contre les Toucouleurs, les officiers français n’hésitent pas à justifier une forme de mimétisme dans les pratiques guerrières et les violences physiques. Décapitations, profanation des cadavres, expositions de trophées humains sont autant d’éléments rhétoriques inspirés de leurs adversaires. Il faut les copier, avec une forme de modération, au risque de ne pas être compris au niveau local. La lettre de de Lamothe à Roux à ce sujet n’en est qu’une des nombreuses traces (79). Ricardo Roque a analysé en détail ce rôle de la mimésis dans les pratiques coloniales portugaises (80). Après Bakel, de Lamothe demande cependant que l’on évite « toute mise en scène répugnante qui ferait trop ressembler nos procédés à ceux d’Ahmadou et de Samory (81) ». L’indiscrétion de Barbier, en jetant une lumière crue sur les guerres du Soudan, oblige un temps à reconsidérer les usages de la violence, et leur image potentielle. 82 ANOM 1602 COL 2, Lettre de L. Barbier à Coussy, 29 mai 1891 : « il existe à la Colonie, un parti t (…) 83 François Manchuelle, « Métis et colons : la famille Devès et l’émergence politique des Africains a (…) 84 François Berge, « Le sous-secrétariat et les sous-secrétaires d’État aux colonies : histoire de l’ (…) 24 Le public local ne se compose pas que des populations plongées dans le chaos des opérations contre Ahmadou. Une communauté diverse vit dans la colonie du Sénégal. Barbier y trouve ses premiers clients. Tous ne sont pas des admirateurs de la politique d’expansion menée par Archinard contre les Toucouleurs. Le photographe lui-même suspecte certains colons d’être à l’origine de la fuite (82). L’article de L’Illustration donne un luxe de détails sur les exécutions, que Barbier n’a pas fournis lui-même. La discrétion qui prévaut jusque-là dans la colonie est mise à mal. Des contacts entre un groupe opposé à l’expansion des prérogatives des militaires en Afrique et la frange la moins convaincue des bienfaits de la conquête à la Chambre se nouent dès l’affaire de Podor. Il s’agit des créoles de Saint-Louis. Une des figures les plus influentes de ce groupe, Gaspard Devès, tisse des liens avec les radicaux français à la fin des années 1880 (83). Il convainc la veuve d’un des suspects exécutés à Podor de porter l’affaire en justice en 1890. Peut-être est-ce lui qui transmet en France les photographies que Clemenceau évoque dans son texte de 1894. Devès correspond avec le sénateur de Guadeloupe, Alexandre Isaac, fondateur en 1888 de la Société des Droits de l’Homme avec Clemenceau. Il a pu, par ce biais, signaler l’existence des images. Le scandale de Bakel est donc polymorphe. Il résonne au Sénégal, puis à Paris, car les changements prévus dans la gestion des colonies, et notamment le renforcement des prérogatives du sous-secrétaire d’État, accusé par certains de planifier lui-même des campagnes, gênent une opposition qui préfère une gestion civile (84). Les photographies de Barbier tombent à point pour fragiliser les partisans de la manière forte. * ** 85 Paul Vigné d’Octon (1859-1943) commence sa carrière comme médecin colonial en Afrique au milieu de (…) 86 L’Illustration, n° 2685, 11 août 1894, p. 121. 87 Le musée accueille alors la collection de spécimens de la Société d’Anthropologie fondée par Paul (…) 88 Bulletins de la Société d’Anthropologie de Paris, t. II, 1891, p. 364. 25 Il n’en reste pas d’indices directs, mais l’affaire de Bakel créa un précédent. Si des photographies des violences liées à l’expansion coloniale française sont prises, elles ne surgissent plus dans le débat public de façon aussi radicale avant le début du xxe siècle. Ce sont finalement les promoteurs de l’extension de l’influence française qui tirent le meilleur parti du scandale. On veille à ne pas laisser sortir d’images trop ambivalentes lors de la conquête de Madagascar. Gallieni et Lyautey gèrent avec brio leur communication en images. Si Clemenceau et d’autres ravivent le souvenir des photographies, leur rôle dans le débat reste bref, quoiqu’intense. Le massacre de Fourmies est plus choquant pour les gauches que les exécutés de Bakel. L’insurmontable distance qui sépare l’opinion métropolitaine de ces événements favorise le retour à une forme d’indifférence. À l’exception d’anarchistes, de radicaux et de personnages isolés comme Paul Vigné d’Octon, les témoignages crus de la violence au loin trouvent un écho politique limité avant la fin des années 1890 (85). Du côté de L’Illustration, on ne fait pas l’économie d’images souvent atroces durant cette période. C’est d’ailleurs sans doute aussi à la catégorie très populaire du fait divers sanglant qu’il faut rattacher de telles images. En août 1894, une gravure d’après une photographie de Jean-Marie Le Priol montre notamment les « Têtes des pirates décapités après leur évasion de la prison d’Hanoi ». Mais les autorités françaises ne sont plus mises en cause (86). L’influence des penseurs de la « pacification » – Pennequin, Gallieni, puis Lyautey – rassure. Le scandale de la mission Voulet-Chanoine, puis les campagnes contre les exactions du Congo, changent l’environnement. La publication de gravures d’après les photographies de Joannès Barbier reste toutefois un épisode marquant de l’histoire de la photographie de presse en France. Cet accident médiatique est loin d’être anecdotique et singulier. Il encourage à une réévaluation du rôle de la photographie dans l’histoire de l’expansion coloniale française. L’histoire des régimes de visibilité appliqués aux franges de conquête offre des perspectives inédites d’exploration des sensibilités à la violence à l’âge de la première grande inflation photographique. À travers cette enquête sur ces cinq photographies, sur leurs mutations et sur les discours qui en transforment le sens, ce sont au fond les tensions qui caractérisent le développement du colonialisme français dans l’Afrique des années 1890 qui se révèlent. Les restes humains photographiés par Barbier eurent d’ailleurs un destin encore plus complexe que celui évoqué ici, mais qui passe alors inaperçu. En 1891, un court passage des Bulletins de la Société d’Anthropologie de Paris annonce qu’Émile Roux offre six crânes au musée Broca (87). Ils « proviennent de l’armée d’Ahmadou (88 )». Cinq ont « été exécutés à Bakel le 25 janvier 1891 ». Haut de page NOTES 1 Clemenceau est alors un opposant notoire aux menées françaises en Afrique. L’année 1894 est cruciale de ce point de vue car le Ministère des Colonies, créé cette année-là, accompagne une percée coloniale sans précédent. Ceci explique sans doute pourquoi les photographies émergent à nouveau entre ses mains. Le fonds Clemenceau conservé à la Bibliothèque Nationale de France (cote NAF 28018) ne permet toutefois pas de comprendre quand ni comment il est entré en possession de ces tirages. Il les a manifestement manipulés, car il évoque cinq images quand L’Illustration ne publie que trois gravures d’après photographie. 2 Sylvain Bertschy, « Des «dérapages» et de la guerre coloniale, le cas du Soudan français, 1878-1894 », in Frédéric Rousseau et Burghart Schmidt (dir.), Les dérapages de la guerre du xive siècle à nos jours, Hambourg, DOBU Verlag, 2009, p. 107-119. 3 La biographie de Joannès Barbier est connue par une série d’articles rédigés de sa main dans Lyon-Exposition, 25 août, 2, 9 et 16 septembre 1894, n° 75-78. 4 Les Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence) conservent un fonds très riche à ce sujet (ANOM 1602 COL 2) dont l’étude est au cœur du présent article. 5 Sylvain Venayre, Une guerre au loin : Annam, 1883, Paris, Les Belles Lettres, 2016. 6 Les Dacoïts (« bandits » en Bengali) est le nom donné alors au mouvement insurrectionel qui s’oppose à l’annexion de la Birmanie par les Britanniques. Il fait partie de ces vocables généralistes qui permettent aux autorités coloniales de ranger nombre de mouvements politiques dans des catégories criminelles. 7 Zahid Chaudhary, Afterimage of Empire, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2012. 8 Cf. par exemple le travail de François Guillemot sur les utilisations de photographies de décapités dans le récit nationaliste au Vietnam : « Décryptage 3 : Besoin d’image, Besoin De Sens – À propos d’une image iconique associée à la lutte pour l’indépendance du Viêt-Nam », http://indomemoires.hypotheses.org/13963, 2014. 9 Stéphane Audoin-Rouzeau, « Les violences extrêmes du xxe siècle à l’aune de l’histoire et de l’anthropologie. Le génocide des Tutsi du Rwanda », Revue d’histoire de la Shoah, n° 190/1 (2009), 137-151 ; Sandrine Lefranc, « La “juste distance” face à la violence », Revue internationale des sciences sociales, vol. 174, n° 4, 2002, p. 505-513. On a choisi ici de montrer les images. C’est une décision qui pose autant de problèmes que l’alternative. Il existe des arguments contre la réinvention de ce type d’images (cf. notamment Susan Sontag, Regarding the Pain of Others, New York, Farrar, 2003). Les publier redonne vie à des images faites pour profaner et pour montrer les populations locales en vaincus. Les ignorer serait toutefois laisser ces violences liées à la colonisation, auxquelles la photographie participa directement, dans un angle mort intellectuel. Les photographies de Bakel sont, au fond, des documents « malgré tout » (cf. Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003). 10 La question des violences sexuelles a été abordée récemment (cf. Pascal Blanchard et alii (dir.), Sexe, races et colonies, Paris, La Découverte, 2018) mais il s’agit, une fois encore d’un ouvrage illustré de photographies, non pas d’un travail sur la photographie à proprement parler. L’accumulation d’images ne constitue pas un argument en soi si leurs trajectoires, souvent complexes, sont ignorées et si elles ne sont pas soigneusement expertisées et mises en contexte. Entre des images qui circulent et d’autres qui restent cachées dans des albums privés, les usages et les significations divergent profondément. 11 Raphael Samuel, Theatres of Memory, Londres, Verso, 2012, p. 350. 12 Les cinq photographies ont été achetées à un collectionneur privé. Les images étaient conservées avec un exemplaire de L’Illustration. Cet ensemble de tirages est isolé : le parcours de cet ensemble est donc très difficile à reconstituer. 13 Jane Lydon, « ‘Behold the Tears’: Photography as Colonial Witness », History of Photography, vol. 34, n° 3, 2010, p. 234-250; Susie Linfield, The Cruel Radiance: Photography and Political Violence, Chicago, University of Chicago Press, 2011. 14 James R. Ryan, Picturing Empire: Photography and the Visualization of the British Empire, Chicago, University of Chicago Press, 1997. 15 Cf. Ariella Azoulay, The Civil Contract of Photography, New York, Zone Books, 2008. 16 Sur l’intolérable, cf. Didier Fassin, Les Constructions de l’intolérable, Paris, La Découverte, 2005. 17 Romain Bertrand, « Norbert Elias et la question des violences impériales. Jalons pour une histoire de la “mauvaise conscience” coloniale », Vingtième siècle. Revue d’histoire, vol. 106, n° 2, 2010, p. 127-140. 18 Luc Boltanski, La Souffrance à distance, Paris, Gallimard, 2007. 19 Louis Archinard, « Rapport sur la campagne 1890-1891 », J.O., octobre 1891, p. 4902 et suiv. Les rapports contenus dans les fonds ANOM 1602 COL 2 sont très clairs à ce sujet. 20 Jacques Frémeaux, L’Afrique à l’ombre des épées : 1830-1930, Paris, SHAT, Établissement d’impression de l’armée de Terre, 1993, p. 64. 21 ANOM, Fonds De Lamothe, 4PA/1, lettre du 16 avril 1891. 22 Ses photographies de la région sont données à la Société de Géographie en 1885 (cote SG WE-30). 23 Archives du département d’ethnologie du musée de l’Homme, Lettre d’Archinard au conservateur, 22 septembre 1883, cité par Martine Cuttenier, « Les militaires font des photos : les albums soudanais du capitaine Archinard », Images et Mémoire, vol. 37, 2013, p. 27-32. Le fonds Archinard est conservé aux archives du CHETOM (cote 17 H 3/1). 24 Édgard Imbert et Maurice Poincet, La photographie en France et dans les pays chauds, Toulon, Liautaud, 1908. 25 Alexandre d’Albéca, « Au Dahomey », Le Tour du Monde, 25 août 1894, n° 8, p. 126 : « le 25 janvier Béhanzin se livre sans conditions . Le 26, il arrive au poste de Goho, où il est reçu en présence de deux ou trois officiers. L’aide-commissaire Michel le photographie ». 26 Jacques Serre, La Campagne Du Dahomey. 1893-1894, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 112. 27 Ibid., p. 141. 28 Clare Harris, The Museum on the Roof of the World: Art, Politics, and the Representation of Tibet, Chicago, University of Chicago Press, 2012, p. 106. 29 Philippe David, « Hostalier – Noal. Un duel de photographes au Journal Officiel du Sénégal, il y a cent ans », Images et Mémoires, vol. 14, 2006, p. 7-13. 30 Son frère, dans une lettre du 14 avril 1891 à M. Coussy (ANOM 1602 COL 2), chef du service colonial à Bordeaux, le décrit comme « le seul civil européen présent ». 31 Pour une vue de Bakel, voir les photographies prises par Joannès Barbier lui-même, probablement au moment où il est le témoin des exactions (BNF. SG WE-165, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b77021543/f11.item). 32 Légende écrite au verso de la photographie conservée au Musée de l’Armée (cote 21800.59). 33 ANOM 1602 COL 2, de Lamothe à Étienne, message n° 401, avril 1891. 34 Cf. notamment ses vues de Kayes (BNF, SG WE-164) ou des Cayor (BNF, SG WE-99) et ses portraits (BNF, SG W-100). 35 ANOM 1602 COL 2, 14 avril 1891. 36 Dans un télégramme daté du 14 avril 1891, de Lamothe écrit à Émile Roux vouloir faire « comprendre ailleurs votre situation particulière dans Soudan où êtes forcés commander obéissance et décourager esprit révolte sur territoire immense avec effectifs réduits » (ANOM 1602 COL 2). 37 Cf. par exemple Édouard Hocquard, Une campagne au Tonkin, Paris, Hachette, 1892, p. 249. 38 Georges Guille-Escuret, Sociologie comparée du cannibalisme, vol. 1, Paris, PUF, 2010. 39 ANOM 1602 COL 2, L. Barbier à Étienne, reçu le 29 mai 1891. 40 Au taux, très théorique, de conversion proposé par l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/information/2417794) cela représente environ 800 euros de 2018. 41 Il a été impossible d’accéder aux archives de L’Illustration conservée par la Bibliothèque Nationale de France. Leur examen aurait sans doute permis d’établir comment l’anonymisation des photographies a pu se dérouler. 42 Anon, « L’œuvre de la civilisation en Afrique », L’Illustration, 11 avril 1891, n° 2511, p. 312-314. 43 Cf. Thierry Gervais, « D’après photographie », Études photographiques, vol. 13, 2003, p. 56-85. 44 ANOM 1602 COL 2, 16 avril 1891, de Lamothe à Étienne. 45 ANOM 1602 COL 2, 12 avril 1891, de Lamothe à Roux. 46 ANOM 1602 COL 2, 14 avril 1891, de Lamothe à Roux. 47 Ibid. 48 ANOM 1602 COL 2, Roux à de Lamothe, 13 avril 1891. 49 Fonds Auguste Terrier, Bibliothèque de l’Institut, cote : ms 5938, 80-81, Archinard à E. Étienne, 17 avril 1891. 50 Journal des Débats politiques et littéraires (12 avril 1891, p. 2), Le Temps (13 avril 1891, p. 2) et L’Univers (13 avril 1891, p. 3). 51 L’Illustration, 20 avril 1891, n° 2512, p. 342. 52 Joannès Barbier, « Au Sénégal », Lyon-Exposition, n° 76, 2 septembre 1895, p. 5. 53 Le Paris, 16 avril 1891, p. 2 Jean Grave, Patriotisme, Colonisation, Paris, Temps nouveaux, 1903 , p. 174 : « On nous a mis cette semaine sous les yeux des photographies qui représentent l’œuvre de civilisation : ce sont des noirs massacrés une des photographies représente un adolescent qui, pour complaire à la civilisation, vous a coupé à lui tout seul ses cinq têtes. C’étaient les têtes de ses frères. Ce Caïn promet. » 54 Sutter-Lautmann, « Aveu déguisé », L’Intransigeant, n° 3925, 13 avril 1891. 55 Augustin Hamon, La France Politique et Sociale (année 1891), Paris, Savine, 1893, p. 218-219. 56 Le Matin, 29 avril 1891, p. 1. 57 Anonyme, « Encore les anarchistes », Le Petit Journal, 13 janvier 1892, p. 2. 58 Stephen Bruner, Late Nineteenth-Century Italy in Africa: The Livraghi Affair and the Waning of Civilizing Aspirations, Cambridge, CSP, 2017. 59 Une critique de l’article de L’Illustration y paraît en mai 1891 (Bulletin du Comité de l’Afrique Française, vol. 3, mai 1891, p. 13). Un autre relais L’Armée coloniale publie aussi des « Lettres du Sénégal » anonymes (vol. 21, 30 mai 1891). L’auteur pourrait être Jules Couchard, correspondant confidentiel du Temps à Saint-Louis. 60 Le London Times du 13 avril 1891 (p. 6) présente soldats français comme les protecteurs des fugitifs toucouleurs contre la vengeance des tribus locales qui les chassent (voir aussi le Morning Post, 13 avril 1891, p. 5). Le sous-secrétariat d’État aux colonies n’y est sans doute pas étranger. 61 Message du 22 avril au Ministère des Affaires Étrangères. 62 Sur le co-impérialisme, Martin Thomas and Richard Toye, Arguing About Empire: Imperial Rhetoric in Britain and France, 1882-1956, Oxford, Oxford University Press, 2017. 63 Pierre Favre, « Iconographie d’une fusillade », in Madeleine Rebérioux (dir.), Fourmies et les premier mai, Paris, l’Atelier, 1994, p. 201-215. 64 ANOM 1602 COL 2, Étienne à L. Barbier, 10 juin 1891. 65 ANOM 1602 COL 2, L. Barbier à Étienne, lettre reçue le 29 mai 1891. 66 Le Gaulois, 2 juillet 1891, p. 1 : « C’est très joli d’appeler les gens “prisonniers inoffensifs”, quand ils sont pris en train d’assassiner les nôtres le rapport très détaillé du commandant de Bakel montre qu’il faudrait être bien décidé à nous trouver féroces quand même pour nous reprocher ces exécutions ». 67 La Croix, 3 juillet 1891, p. 2. 68 Le Figaro, 9 juillet 1891, p. 2. 69 Julie d’Andurain, Colonialisme ou impérialisme ? : le parti colonial en pensée et en action, Paris, Zellige, 2017. 70 J.O. Débats parlementaires, 1er décembre 1891, p. 2367 71 Cf. citation introductive. 72 Entre autres, Roland Barthes, La Chambre claire, Paris, Gallimard, 1980. 73 Ariella Azoulay, op.cit. 74 Marc Michel, « Deux lettres de Marchand à Liotard », Outre-Mers. Revue d’histoire, vol. 67, 1965, p. 41-91. 75 Frank Crozier, Five Years Hard, Londres, J. Cape, 1932, p. 167. 76 David Robinson, Sociétés musulmanes et pouvoir colonial français au Sénégal et en Mauritanie, 1880-1920 : parcours d’accomodation, Paris, Karthala, 2004, p. 109. 77 Fonds Auguste Terrier, Bibliothèque de l’Institut, cote : ms 5937, extraits des carnets de W. Merlaud-Ponty (1890-1891). 78 Romain Bertrand, « Norbert Elias et la question des violence impériales. Jalons pour une histoire de la “mauvaise conscience” coloniale », Vingtième Siècle, vol. 106, n° 2, 2010, p. 127-140. 79 Cf. note 34. 80 Ricardo Roque, Headhunting and Colonialism: Anthropology and the Circulation of Human Skulls in the Portuguese Empire, 1870-1930, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010. 81 ANOM 1602 COL 2, lettre du 14 avril 1891, de Lamothe à Roux. 82 ANOM 1602 COL 2, Lettre de L. Barbier à Coussy, 29 mai 1891 : « il existe à la Colonie, un parti très puissant qui a tout intérêt à ce que l’Européen ne pénètre que le moins possible dans le haut pays le coup est parti de là ». 83 François Manchuelle, « Métis et colons : la famille Devès et l’émergence politique des Africains au Sénégal, 1881-1897 », Cahiers d’études africaines, vol. 96, 1984, p. 477-504. 84 François Berge, « Le sous-secrétariat et les sous-secrétaires d’État aux colonies : histoire de l’émancipation de l’administration coloniale », Outre-Mers. Revue d’histoire, vol. 168-169, 1960, p. 301-376. 85 Paul Vigné d’Octon (1859-1943) commence sa carrière comme médecin colonial en Afrique au milieu des années 1880. Il y est témoin des excès de la conquête. Journaliste et député à partir de 1893, il dénonce inlassablement la violence de la colonisation française (voir notamment Henri Brunschwig, « Vigné d’Octon et l’anticolonialisme sous la Troisième République (1871-1914) », Cahiers d’études africaines, vol. 14, n° 54, 1974, p. 265-298). Présenté comme un excentrique, c’est un personnage qui mériterait une étude encore plus approfondie que celles déjà réalisées (voir le travail de Christian Roche, Paul Vigné d’Octon (1859-1943). Les combats d’un esprit libre, de l’anticolonialisme au naturisme, Paris, L’Harmattan, 2009). Il apparaît régulièrement au centre des préoccupations de certains acteurs majeurs du colonialisme français (en particulier Hubert Lyautey, qui le mentionne souvent dans sa correspondance privée conservée aux Archives Nationales ou dans le fonds Charles-Marie Le Myre de Vilers conservé au Musée de l’Homme), signe que son isolement révèle aussi l’efficacité des promoteurs de la colonisation à identifier et à étouffer les critiques au tournant du xxe siècle. 86 L’Illustration, n° 2685, 11 août 1894, p. 121. 87 Le musée accueille alors la collection de spécimens de la Société d’Anthropologie fondée par Paul Broca (1824-1880). 88 Bulletins de la Société d’Anthropologie de Paris, t. II, 1891, p. 364. Haut de page TABLE DES ILLUSTRATIONS Titre Fig. 1 : Joannès Barbier, « Les corps traînés au bord du fleuve pour être jetés à l’eau », janvier 1891, tirage aristotype collé sur carton. Crédits Paris, musée de l’Armée, Inv. 2015.10.4. URL http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/6494/img-1.jpg Fichier image/jpeg, 188k Titre Fig. 2 : Émile Tilly, « Cadavres de prisonniers exécutés après le combat de Nioro », gravure d’après photographie, in « L’œuvre de la civilisation en Afrique », L’Illustration, n° 2511, 13 avril 1891, p. 312. URL http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/6494/img-2.jpg Fichier image/jpeg, 254k Haut de page POUR CITER CET ARTICLE Référence papier Daniel Foliard, « Bakel, 1891 : anatomie d’une crise médiatique », Revue d’histoire du XIXe siècle, 58 | 2019, 189-206. Référence électronique Daniel Foliard, « Bakel, 1891 : anatomie d’une crise médiatique », Revue d’histoire du XIXe siècle , 58 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 20 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/rh19/6494 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.6494 Haut de page AUTEUR Daniel Foliard Daniel Foliard est maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre.... Lire la suite…Les crises de subsistances dans les villages soninké du cercle de Bakel, de 1858 à 1945. Problèmes méthodologiques et perspectives de recherchesDernières infosTUDES ET ESSAIS Monique Chastanet Les crises de subsistances dans les villages soninke du cercle de Bakel de 1858 1945 Problèmes méthodologiques et perspectives de recherches L’histoire économique et sociale reste encore le parent pauvre de la recherche au Sénégal, et étude du monde rural été particulièrement négligée présent: mis à part les nombreux travaux sur le bassin arachidier, on sait peu de choses des autres régions restées écart de agriculture de rente. On connaît mal les modalités et les étapes de leur intégration espace économique colonial, les transformations qu’elles ont subies dans leur vie matérielle et leur organisation sociale. C’est dans cette perspective que s’inscrivent mes recherches sur l’histoire économique et sociale des villages soninké de la région de Bakel durant la période coloniale. Elles s’organisent autour un thème central, celui des crises de subsistances. Pourquoi avoir privilégié ce thème? L’actualité de ce problème et sa gravité pourraient seules justifier l’intérêt d’une réflexion historique. La crise qu’ont récemment traversée les pays sahéliens a suscité la parution de nombreuses études sociologiques et géographiques. Bon nombre de ces études reposent sur certains a priori, tels que l’assimilation des famines à des “catastrophes naturelles” ou la référence à une harmonie homme-milieu à l’époque précoloniale… Ce sont là des partis pris idéologiques qui témoignent plus des enjeux de “l’aide alimentaire” que d’une analyse rigoureuse d’un phénomène extrêmement complexe, d’autant plus difficile à cerner que les sources ne sont pas toujours faciles à réunir ni à traiter. Quelques études historiques ont été entreprises jusqu’à présent dans ce domaine. Il serait souhaitable elles se multiplient, car l’analyse des famines précoloniales et coloniales pourrait contribuer à remettre en cause certains schémas simplificateurs et apporter un nouvel éclairage à l’histoire économique et sociale de Afrique. D’un point de vue socio-économique et historiographique, en effet, le problème vivrier constitue un angle d’approche particulièrement intéressant pour l’étude d’une société paysanne. L’ acuité et la récurrence des crises de subsistances dans le milieu soudano-sahélien obligent les populations à intégrer le risque de pénurie dans l’ organisation de la production agricole et dans la gestion des ressources vivrières. Mais cette adaptation du système de production ne suffit pas à éviter la crise lorsque la pénurie dépasse un certain seuil. Pour assurer sa survie, la société doit alors recourir à d’autres solutions socio-économiques. A travers l’étude de ces stratégies et du fonctionnement d’une société en temps de crise, il est possible de saisir les clivages sociaux, les points de rupture et les transformations en cours, en d’autres termes les contradictions et le dynamisme d’une société. L’analyse de ces crises pourrait ainsi fournir des jalons et des repères pour une histoire économique et sociale, c’est-à-dire des critères de périodisation internes. Mais étude des crises de subsistances, devenue un “classique” de l’histoire économique et sociale de l’Europe à l’époque moderne, pose un certain nombre de problèmes dans son application à l’histoire africaine: problèmes de sources et problèmes de méthode. Si l’historien de l’Afrique gagne en témoignages et en “épaisseur sociologique” – pour la période contemporaine du moins – ,il perd généralement en données statistiques, démographiques et économiques. Il lui appartient donc d’élaborer une autre démarche pour repérer et analyser les crises de subsistances: c’ est de cette tentative que cet article va rendre compten après une présentation succincte de la région de Bakel à l’époque coloniale. La région du Goy I. De l’État du Gajaaga au cercle de Bakel La région du Goy étend sur la rive gauche du Sénégal, de la Falémé au marigot Njorlu qui marque sa frontière avec le Fuuta Tooro, sur une soixantaine de kilomètres le long du neuve et sur dix à quinze kilomètres vers l’intérieur. C’était une province de Etat soninké du Gajaaga avant la conquête coloniale, Etat qui, au xix siècle, se prolonge jusqu’à Kayes, sur la rive gauche du Sénégal, avec la province du Kammera. LES CRISES DE SUBSISTANCES DANS LE CERCLE DE BAKEL Cette région, anciennement reliée aux réseaux marchands transsahariens, fut intégrée à la traite européenne dès la fin du XVII siècle. Elle jouissait en effet une position clé à la croisée des voies commerciales du Soudan et de Atlantique. Jusqu’à l’abandon des postes français du haut Sénégal à la Grande-Bretagne en 1759, le Gajaaga fut pour la France le principal lieu d’approvisionnement en esclaves en Sénégambie. Après le retour de la France dans la vallée du Sénégal, consécutif au traité de Paris de 1814, le poste fortifié de Bakel, créé en 1818, devint la base de son trafic avec le Soudan, commerce “légitime” qui excluait pas la poursuite clandestine de la traite des esclaves. Les familles maraboutiques participèrent activement en se faisant les intermédiaires entre les Européens et les marchés de intérieur, et renforcèrent par là leur influence dans la société. Les familles dirigeantes, guerrières et animistes, y prirent part comme courtiers, interprètes, ou en vendant elles-mêmes les esclaves qu’elles avaient razziés. Elles essayèrent surtout de bénéficier des “coutumes” versées par les Français aux chefs politiques. Ces intérêts nouveaux attisèrent leurs rivalités pour le pouvoir, provoquèrent de nombreux conflits au XVIII siècle, et aboutirent à une crise des institutions politiques dans la première moitié du xix siècle. C’est pourquoi cette région été pronfondément perturbée dans sa vie économique et socio-politique avant même la conquête territoriale du milieu du xix siècle. CARTE I. Le Gajaaga et les régions voisines au milieu du XIXe siècle MONIQUE CHASTANET La conquête s’effectua en deux étapes, en 1855-58 et en 1887. La lutte contre le jihad El Haj Umar, auquel certaines familles du Gajaaga avaient participé, fut l’occasion pour Faidherbe de mettre en oeuvre sa politique expansionniste dans le haut fleuve. La France annexa Bakel en 1855 et le Goy supérieur en 1858, c’est-à-dire les villages situés entre Bakel et la Falémé; les populations furent soumises au paiement d’un impôt et aux réquisitions de main-d’oeuvre. Le pouvoir du chef du pays, le tunka de Tuabu, était donc limité au Goy inférieur et battu en brèche par interdiction de percevoir des taxes sur le commerce et par le contrôle qu’exerçait de facto le commandant de Bakel sur le Goy indépendant. Quant au Kammera, il fut placé dans la zone influence de l’empire toucouleur en vertu du traité signé entre El Haj Umar et les Français en 1860. La résistance de la population du Goy contre la domination française culmina lors du ralliement massif des Soninké au jihad de Mamadu Lamine Dramé en 1886-87. Sa répression se solda par établissement un protectorat sur le Goy inférieur et par la domination française sur tous les états du haut fleuve. Si l’année 1887 marque donc le début du contrôle effectif de ensemble du Goy, avec la mise en place des structures administratives coloniales dans les deux provinces, c’est dès 1858 que cette région perdit son autonomie politique et elle fut profondément perturbée dans sa vie économique et sociale. Le déséquilibre vivrier qu’elle subit dans la seconde moitié du xix siècle renvoie, entre autres facteurs, aux ventes forcées de mil pour le paiement de impôt et aux réquisitions de main-doeuvre qui grèvent lourdement les travaux agricoles. C’est pourquoi j’ai choisi la date de 1858 comme point de départ de cette étude de la période coloniale. Après les troubles des années 1850, l’escale de Bakel connu un regain d’activité dans les années 1860 et 1870 comme principal centre militaire et commercial, avec notamment l’installation de maisons de commerce. Maurel et Prom, Buhan et Teissère, Deves et Chaumette. Mais les années 1880 marquent le début de son déclin, économique et politique, au profit de l’escale de Médine puis de Kayes, qui devient le siège du commandement supérieur du Haut-Sénégal le septembre 1880. Ce mouvement ira en accentuant avec la construction du chemin de fer Dakar-Niger, commencée en 1881 et achevée en 1923, et avec le développement de la zone arachidière du Sénégal. Le déclin de Bakel se traduit dans les multiples remaniements administratifs de la fin du xix et du début du xx siècle, qui rattachèrent la région du Goy tantôt au Sénégal et tantôt au Soudan de 1880 à 1895) et dans les vicissitudes ultérieures du cercle de Bakel. Ainsi le décret de 1904 limite le cercle de Bakel au Goy et au Boundou et l’ampute de la rive droite mauritanienne et de la haute Gambie. En 1939, le cercle de Bakel disparaît de la carte, les deux Goy et l’escale constituant une subdivision du cercle de Matam. Bathily. Malgré toutes ces modifications, la circonscription du Goy demeure relativement inchangée tout au long de la période coloniale: elle est divisée en deux cantons, le Goy supérieur et le Goy inférieur, qui comprennent, outre les villages riverains du fleuve, des villages situés la limite du Boundou. Ce sont pour la plupart anciens hameaux de culture soninké, devenus villages permanents au début du xx siècle en tant que “villages de liberté”. 2 -Organisation du système de production a/ les grandes lignes des changements socio-économiques L’agriculture est la principale activité productrice avec, comme appoint, l’élevage, la pêche, la chasse et la cueillette, Avant la colonisation, certaines catégories sociales ne cultivaient pas elles-mêmes: les familles dirigeantes et les familles maraboutiques s’adonnaient les unes à la guerre et à la vie politique, les autres à la religion et au commerce. Elles tiraient leur subsistance du travail de leurs captifs et des différentes taxes et redevances qu’elles prélevaient sur les autres familles libres. Cette aristocratie a été progressivement amenée à pratiquer l’agriculture, à cause de la lutte de administration coloniale contre l’esclavage dès la fin du xix siècle, et de la disparition de certaines sources de revenus comme la guerre ou les taxes sur le commerce. La production artisanale, dévolue à des spécialistes castés pour le travail du bois, du cuir et des métaux, et à des captifs pour le tissage, régresse fortement au xx siècle face à la concurrence des produits importés et à la réduction de la main-d’oeuvre servile. A la veille de la conquête coloniale, le commerce occupe une place importante dans cette société: échanges locaux de produits vivriers( mil lait bétail… ) avec les régions voisines du Bundu du Damga et du Gidimaxa et commerce à longue distance, relié au réseau transsaharien et à la traite atlantique, auquel participent agriculteurs et commerçants. Les premiers organisent des expéditions vers le Soudan durant la saison sèche. Tout homme libre peut s’y joindre, ainsi que les esclaves travaillant pour leur maître ou pour leur propre compte, selon leur statut. Toutefois. la famille dirigeante et ses alliés, tunkalemmu et mangu, n’y participent pas, le commerce étant jugé indigne de leur rang. Les jula professionnels sont issus de familles maraboutiques (moodini), parfaitement intégrées dans la société soninké. Leur activité se déploie sur une aire beaucoup plus vaste que celle des commerçants occasionnels, et repose sur tout un réseau de relations affaires, souvent fondées sur des liens familiaux et religieux. On oppose généralement échange immédiat que pratiquent les premiers, ou l’acquisition de biens pour leur valeur d’usage, au négoce qu’effectuent les seconds, ou la transaction de biens pour leur valeur d’échange. D’après les sources écrites, les familles maraboutiques sont les principaux partenaires du commerce atlantique. Sans remettre en cause leur prépondérance ni la distinction entre les différents types échanges, on peut se demander néanmoins s’il y avait une réelle solution de continuité entre les activités des commerçants occasionnels et celles des professionnels, l’utilisation d’un même réseau par les uns et par les autres facilitant sans doute le passage éventuel du premier groupe au second. A la fin du xix siècle et au xx siècle, on assiste un élargissement progressif du commerce aux différentes catégories sociales, y compris aux anciennes familles dirigeantes. Cette extension sociale est liée au développement de l’émigration, qui a sans doute joué un rôle dans cette remise en cause des clivages socio-économiques statutaires. Cest la navigation sur le Sénégal durant la période de la traite, et la culture des arachides en Gambie dans les années 1840 qui ont amorcé le mouvement migratoire. Mais c’est avec le déclin de la région de Bakel à la fin du xix siècle, dû à la mise à l’écart du fleuve et au développement de l’ouest du Sénégal, que se dessine un fort courant d’émigration – de navigateurs, de manœuvres, de navétanes et de commerçants – vers les villes de la côte, la zone arachidière et, au tournant du xx siècle, vers le Congo et le Gabon. Dans les années 1910 d’autres courants s’organisent vers la Côte Ivoire, et durant la Première guerre mondiale vers la France, dans le cadre de la marine de guerre. Cette région a donc été intégrée très tôt dans espace économique colonial – sénégalais, africain puis métropolitain – alors même que administration française ne contrôlait pas encore ensemble du territoire du Sénégal. Cependant la production agricole demeure, dans la première moitié du xx siècle, la principale source de subsistance et la base de l’organisation économique et sociale. Elle occupe encore la majeure partie de la population jusqu’ à l’émigration massive des années 1960 qui marque une nouvelle étape dans la mise en dépendance de cette région. b/production agricole et consommation. La région du Goy est située dans la zone climatique soudano-sahélienne et reçoit en moyenne 600 700 mm eau par an, répartis sur quatre à cinq mois, de fin juin à octobre. La crue du fleuve permet de pratiquer des cultures de contre-saison après le retrait des eaux, leur importance variant selon la superficie inondée et le rythme de la décrue. Mais à cause de l’encaissement de la vallée, ces terroirs sont bien moins étendus au Fuuta Tooro. Les agriculteurs exploitent donc en hiver nage des terres de jeeri et de foonde( levées de terre en bordure du lit mineur), et en saison sèche des terres de waalo: les falo( berges du fleuve) et les kollanga. Le chef du pays(Tunka) est considéré comme le maître de la terre et perçoit à ce titre des taxes sur les récoltes et sur certains terroirs. En sont dispensées les différentes branches de la famille dirigeante, certaines familles maraboutiques( Dramé Tanjigora…) et les familles de mangu. Au niveau de chaque village, les terres sont contrôlées par la famille du maître de la terre, qui est parfois aussi celle du chef de village(les nyaxamalani et les captifs sont exclus de ces charges, à l’exception de certaines catégories entre eux). Les terres de jeeri sont généralement accès libre, mais les foonde et les terres de décrue sont détenus par la ou les familles les plus influentes du village. Ces terres peuvent être concédées temporairement à ceux qui n’en ont pas la jouissance contre le paiement d’une redevance. Cette région se caractérise donc par l’inégal accès aux terres les plus riches: elles occupent une place restreinte dans le terroir agricole, mais leur production représente un appoint relativement important aux cultures de jeeri. Ces privilèges fonciers ne seraient rien cependant sans la capacité de mobiliser une main-d’oeuvre extra-familiale, étant donné la faible productivité du travail agricole. Ces droits se sont maintenus durant la période coloniale, et certains même jusqu’à nos jours, mais à l’heure actuelle leur portée économique est fortement diminuée par le non-ajustement du montant des redevances, le recul de exploitation une main-d’oeuvre servile et la marginalisation de la production agricole par rapport aux revenus de émigration. Cependant, pour la période étudiée ici, 1858- 1945, c’est une composante encore importante du paysage socio-économique, dont il faudra tenir compte pour aborder le problème du vécu différentiel des crises de subsistances selon les groupes sociaux. Tandis que le village constitue unité foncière de contrôle et de répartition des terres la production agricole organise dans le cadre de la famille étendue ka qui est unité économique et sociale de base unité de production de consommation et de résidence Ce terme désigne en semble des dépendants du chef de famille kagume) est-à-dire ses parents en ligne patrilineaire leurs épouses et leurs enfants et par extension la concession où vivent ces différentes personnes21 une période récente le ka comprenait aussi des esclaves certains habitant dans les concessions autres étant installés dans les quartiers esclaves komo kani) la périphérie du village22 Les mesures de administration coloniale contre esclavage se sont traduites par de nombreuses fuites de captifs au début du xxe siècle mais leur émancipation sur place fut beau coup plus lente. Elle est accélérée depuis les années 1960 et se concrétise notamment par leur indépendance fiscale leur propre ka gure sur les rôles impôt et ils en assurent eux-mêmes le paiement Elle accompagne une résidence séparée le plus souvent déjà acquise et de la dispari tion de leurs obligations en travail sans que cela implique pour autant la remise en cause de tous les liens de dépendance. C’est dans le cadre du ka que effectue le contrôle de aîné de la famille sur le travail des producteurs et sur le produit de leur travail Hommes et femmes cultivent des champs distincts selon une organisation différente Les hommes assurent la production des céréales sorgho petit mil et maïs et de quelques légumineuses haricots patates douées Ils sont placés sous autorité du kagume ses dépendants frères fils et neveux ainsi que les captifs travaillent cinq jours sur sept de 14 sur le champ collectif ou te xoore Après 14 ont lieu les travaux sur les champs individuels ou salluma les aînés bénéficiant leur tour de aide des plus jeunes exception du kagume qui continue travailler sur le te xoore Les femmes ne sont pas intégrées dans ces travaux sauf pour les semis et la récolte sur le te xoore Elles cultivent de arachide de l’indigo du riz flottant et des légumes sur des champs individuels que leur mari leur attribués avec aide de leurs filles encore célibataires. Elles cultivent surtout dans le jeeri et secondairement sur quelques champs de berge Les captifs ont joué un rôle important dans la production du coton et de arachide dans la seconde moitié du xixe siècle Mais ces cultures sont en recul au xxe siècle et celle de arachide est essentielle ment pratiquée par les femmes. Les récoltes sont conservées dans des greniers en banco une partie des grains étant mise de côté pour les semences au moment de la récolte Le produit du te xoore est destiné au grenier collectif géré par le kagume Tout homme qui se marie et qui devient père de famille construit son grenier où il place les récoltes de ses propres champs Cela lui permet exercer une influence plus grande dans la famille sans pour autant le dégager de ses obligations envers son père ses oncles paternels et le kagume Les jeunes célibataires remettent leur récolte leur mère Elle peut en donner des parents qui sont dans le besoin dans sa famille paternelle le plus souvent Les femmes mariées possèdent leurs propres réserves arachide et de mil Le mil provient donc des récoltes de leurs fils célibataires mais aussi des dons on leur faits en échange de aide elles ont apportée aux hommes pour la récolte du te xoore dans la famille de leur mari et dans leur famille paternelle. La consommation est organisée en fonction du système de production le groupe de redistribution kore correspond au ka il est constitué par le chef de famille et ses dépendants frères et fils épouses et enfants urs non mariées et captifs est intérieur de ce groupe est pré parée en commun la nourriture aîné en fournit la plus grande quantité avec la récolte du te xoore qui ne peut être vendue sauf cas de force majeure elle constitue la base de alimentation Les cadets peuvent vendre une part de leur récolte mais ceux qui sont encore céliba taires la remettent en grande partie ou intégralement leur mère tandis que ceux qui ont un grenier prennent en charge la nourriture de la famille un ou deux jours par semaine en fonction des aides ils ont re ues pour cultiver leur champ Les femmes disposent librement de leurs récoltes mais elles ne les vendent généralement une fois satisfaits les besoins de la famille En fait les contributions des différents membres du ka chef de famille cadets et femmes peuvent évoluer avec la pression fiscale les ventes forcées de mil en période de soudure ou de crise de subsistances organisation collective de la production et de la consommation est un autre mode adaptation au milieu côté de la constitution de greniers Elle permet atténuer les risques et les inégalités de production au niveau du groupe familial dans une région où la variabilité des conditions écologiques rend la satisfaction des besoins vivriers assez précaire. Elle permet également le départ un certain nombre actifs sans remettre en cause la continuité de la production agricole ni la nourriture des différents membres de la famille un homme marié émigré la famille étendue prend en charge son ménage mais il devra lui reverser une partie des gains réalisés extérieur est là un des ressorts du commerce et de rémigration dans la société soninke. Dans certaines limites cependant puisque dès les années 1920 administration coloniale déplore les conséquences négatives sur la production agricole du départ des jeunes les plus valides départs elle encourage par ailleurs pour faciliter le recouvre ment de impôt. Qu’en est-il de la satisfaction des besoins alimentaires dans cette région soninke époque coloniale. Le rapport entre production et consommation varie beaucoup dans le temps selon évolution des condi tions de production et dans espace social selon les capacités de produc tion de chaque famille après nos enquêtes lorsque les conditions sont favorables un homme adulte peut produire entre une tonne et une tonne et demie de mil par an Si on compte un kilo de mil comme ration jour nalière moyenne un producteur peut donc se nourrir lui-même ainsi que deux ou trois autres adultes Ces estimations du rapport entre production et consommation sont assez délicates elles seraient sans doute plus significatives si on les faisait au niveau du groupe familial en fonction de sa structure démographique nombre adultes/nombre enfants et de vieillards nombre hommes adultes/nombre de femmes adultes et de existence ou non une main-d uvre servile Néanmoins la couver ture des besoins alimentaires semble assez étroite autant plus que une période récente la plupart des hommes libres ne participaient pas aux travaux agricoles cf supra 26 Il faut tenir compte aussi dans ces estimations de inégal accès aux terres les plus riches et de la grande variabilité de la productivité individuelle Si à l’heure actuelle en pays soninké les réserves sont quasi inexistantes pour toutes les familles cause de la sécheresse et de rémigration de la main-d uvre27 ce nivellement sans doute pas toujours existé est ce qui apparaît dans nos enquêtes pour la première moitié du xxe siècle quand les condi tions étaient favorables les récoltes permettaient de se nourrir toute année et certaines grandes familles pouvaient de plus faire des réserves pour les deux années suivantes Il agissait le plus souvent de familles importantes la fois par leur nombre et par leur statut social La satisfaction des besoins était donc précaire pour toute une partie de la population quand survenait une mauvaise année On peut supposer que ces différences étaient quelque peu atténuées par les pratiques de redis tribution qui tout en mettant en jeu des rapports de pouvoir pouvaient assurer un certain équilibre vivrier au niveau du village Mais il devait avoir dans ensemble de faibles excédents de production carie Gajaaga jamais été un grand centre de commerce céréalier pendant la traite les Européens approvisionnaient plutôt au Puuta Tooro Ille devient pendant la seconde moitié du xixe siècle cause des ventes forcées de mil pour le paiement de impôt avant que ne se développent de nouvelles sources de revenus avec rémigration La précarité de équilibre vivrier de cette région durant la période coloniale apparaît nettement dans la grande fréquence des crises de subsistances Rythmes agricoles et crises de subsistances 1. Chronique des années agricoles et des crises de subsistances a/ sources L’ensemble de ce travail procède de la confrontation des sources écrites et des sources orales Dans les sources écrites la société soninké apparaît le plus souvent au travers des préoccupations administratives et commerciales. Au niveau des sources orales on se heurte au risque aplatissement historique des témoignages et au rôle idéologique des traditions Néanmoins en combinant sources écrites et sources orales on peut faire en sorte que leur éclairage différent de la réalité devienne complémentaire. L’analyse des crises de subsistances et travers elles de évolution économique et sociale de la région du Goy suppose que on dresse tout abord une chronologie de ces crises Les sources orales sont indispensables pour étudier organisation économique et sociale soninké les stratégies de survie et les comportements sociaux en temps de pénurie pour apprécier importance du problème de la famine dans la culture et les mentalités à travers (les prénoms les contes et les proverbes… ). Mais il serait difficile établir une chronologie précise des crises partir des enquêtes rétrospectives. Il est relativement aisé de dater les crises grâce certains indices nom donné la famine nom du chef de village ou du chef de canton événement marquant distribution de vivres guerre mondiale… Mais certains témoignages résistent toute datation Il est par ailleurs très difficile de connaître la durée de ces différentes crises les appréciations des informateurs renvoient un vécu personnel et ne concordent pas toujours entre elles Ennn ces enquêtes ne nous permettent pas de remonter au-delà des années 1880 et ne couvrent donc pas toute la période étudiée. Il existe bien des traditions familiales où il est question de famine et qui font référence un passé lointain mais on ne peut pas les mettre sur le même plan que les témoignages et traiter ces données de la même manière Il faudrait étudier spécifiquement le rôle idéologique des famines dans les récits formalisés Souvent la famine sert masquer des faits jugés dégradants pour la famille ou la communauté politique Même si une famine bien eu lieu elle pas toujours joué le rôle déterminant on lui prête ou du moins pas été la cause unique un événement donné comme la tradition tend le faire croire. La charge idéologique de ce thème ouvre des perspectives de recherches sur le plan social et politique mais elle incite la prudence quant analyse des crises de subsistances proprement dites partir des traditions orales est pourquoi élabora tion une chronologie des crises repose en grande partie sur les sources écrites les sources orales intervenant qu’à titre de complémen. A partir des sources écrites, j’ai retenu comme crises de subsistances celles qui sont signalées explicitement dans les termes de pénurie de disette ou de famine et celles qui apparaissent travers une demande exonération impôts pour manque de ressources formulée par la population ou plus rarement par le commandant de cercle Parmi la grande diversité des sources écrites. ce sont les rapports périodiques qui ont servi de base ce repérage des crises de subsistances car ils rendent compte mois par mois ou trimestre par trimestre du déroulement de année Ces sources ont toutefois leurs limites Il manque des rapports pour le début de la période coloniale et certains de ceux qui sont disponibles sont incomplets Des sources plus ponctuelles récits de voyage ou monographies permettent parfois de combler ces lacunes comme par exemple ouvrage de Mage 1868 pour les années 1860 Des rapports donnent des renseignements contradictoires et les recoupements avec autres sources ne permettent pas toujours de trancher. Pour quelques années ils mentionnent des mauvaises récoltes mais pas de crises de subsistances Certaines de ces années nous ont été présentées comme des années de crise par nos informateurs nous les avons donc fait apparaître dans la chronologie des crises sans pouvoir en indiquer la durée Pour les autres on peut supposer que la conjonction mauvaises récoltes/absence de crise de subsistances renvoie existence de réserves Il faut noter également le fait que les rapports ne signalent généralement les crises leur paroxysme et leur suite je risque en avoir sous-estime la durée Par ailleurs cause des lacunes de certains entre eux il des crises qui ne sont signalées posteriori sans que leur durée soit indiquée b/méthodologie Nos principales sources rapports de cercle mensuels trimestriels ou annuels sont toutes organisées en fonction de année civile ai transposé ces informations selon le rythme des années agricoles pour que la raison graphique selon expression de Goody 1979) soit la plus fidèle possible au vécu paysan et la logique propre de cette société est en fonction de année agricole en effet que se situent une part les pra tiques culturales et par conséquent les périodes de soudure et de récolte et autre part les activités extra-agricoles comme le commerce les migrations saisonnières et avant la colonisation les expéditions guerrières. Comme nous l’avons indiqué plus haut cette région se caractérise par existence une double culture de jeen et de waalo Le début et la fin une saison culturale varient une année autre en fonction des conditions écologiques début et répartition des pluies rythme de la décrue… et de certains facteurs socio-économiques comme la disponibilité en force de travail Mais une manière générale année agricole commence en mai et achève en avril Les Soninké font un découpage de année en saisons qui renvoie aux différences climatiques et aux rythmes des travaux agricoles hivernage xaaxo dure de mai fin octobre-début novembre il commence avant les premières pluies avec la sous-saison kandara de mai début juillet Elle se caractérise par des températures très élevées et correspond la préparation des champs de jeen hivernage se poursuit avec les sous-saisons juxa en juillet-août période du maximum des pluies et kawule de septembre début novembre moment des premières récoltes La saison fraîche mulle dure de novembre fin février elle est marquée par la fin des récoltes de jeen les cultures de waalo la pêche et la chasse Vient enfin la saison chaude kiineye) en mars-avril est pendant ces deux dernières saisons ont lieu les fêtes les mariages certaines activités comme le tissage la tein ture la construction et la réfection des maisons ainsi que les départs de certains actifs la recherche de ressources complémentaires. Récoltes et soudures32 font alterner dans année agricole périodes de pénurie et périodes abondance cf Fig La soudure principale se situe avant les récoltes du jeeri qui représentent la part la plus importante de la production Elle dure environ deux mois pendant la sous-saison juxa période du maximum des pluies et des gros travaux agricoles Une soudure secondaire peut avoir lieu certaines années avant la récolte de waalo Si celle-ci est abondante elle peut faire disparaître état de pénurie la prochaine récolte de jeeri ou du moins limiter la durée de la soudure principale La durée plus ou moins longue de la soudure renvoie aux années agricoles antérieures et au déroulement de année en cours Elle est fonction un certain nombre de facteurs socio-économiques état des précédentes récoltes constitution de réserves prélèvements en espèces ou en nature disponibilité en force de travail… et écologiques (quantité et répartition des pluies intensité de la crue) et rythme de la décrue… que nous analyserons ultérieurement. Pour étudier les crises de subsistances les conditions de leur apparition leur déroulement et leurs conséquences il faut aussi prendre en considé ration les données relatives au commerce En effet Bakel reste un lieu de traite la période coloniale même il perdu importance il avait au xvnie et au xix siècle la fin des années 1870 comme principale escale du fleuve Les ventes de mil par les producteurs destinées au paie ment de impôt et les spéculations des traitants sur les produits vriers sont parmi autres des facteurs de déclenchement ou aggravation des crises de subsistances En temps de crise les Soninke ont recours différentes formes de commerce et échanges Bakel même ou dans autres régions avec des maisons de commerce ou avec autres popula tions agricoles et se procurent du mil contre des pagnes de or et du bétail. Ils peuvent aussi emprunter du riz ou du mil aux traitants ou encore travailler pour eux en échange de vivres34 Les rythmes activité de escale de Bakel et des comptoirs villageois ne sont donc pas indiffé rents étude des crises de subsistances. Les données commerciales obéissent un calendrier différent de année civile celui de la campagne de traite Celle-ci est pas strictement déli mitée mais varie selon les années En fonction de état des récoltes du rythme de la crue et de la décrue est-à-dire des possibilités accès la région du haut fleuve elle peut commencer en décembre ou en janvier et achever en août ou en septembre avec une interruption de deux quatre mois exploitation des rapports administratifs suppose donc que on transpose les données un calendrier autre cf Fig Mais il agit étudier les crises de subsistances et que est sur la base de la production agricole que organisent économie et la société soninke dans leurs structures et dans leur rythme activité est année agricole qui constituera le cadre temporel de référence c’est cette unité analyse que nous rapporterons ensemble des données il agisse de état des récoltes de mouvements commerciaux de mesures politiques ou de facteurs écologiques La précision des rapports périodiques permet dans ensemble de le faire de manière satisfaisante Cependant ce découpage du temps en années agricoles tout en étant le plus fidèle possible objet étudié répond une nécessité de analyse et de la représentation graphique cf Fig Aussi ne faut-il pas perdre de vue la continuité des phénomènes et les répercussions ils ont une année sur l’autre. 2. Disettes et famines a/problèmes de définition un critère intensité des crises Après l’établissement une chronologie des crises de subsistances une première typologie été élaborée afin apprécier leur impact sur la société Quels critères de gravité retenir Les termes de disette et de famine utilisés dans les sources écrites et les expressions soninke dulle siine année de la faim et dullu xoore siine année de la grande faim expriment différents degrés intensité des crises. Mais ils ne peuvent servir de base élaboration une typologie car les uns renvoient des préoccupations administratives marquées le plus souvent par la tendance minimiser la crise pour donner une image prospère du cercle et les autres expriment des points de vue subjectifs partir desquels il est difficile de généraliser. Un certain nombre de problèmes se posent au niveau des enquêtes rétrospectives mis part le fait déjà signalé elles ne nous permettent pas de remonter au-delà de la fin des années 1880. Nos informateurs pris dans leur ensemble se souviennent ou bien ont entendu parler de toutes les crises repérées dans les archives partir de année 1886-87. Certaines crises plus graves que les autres ont re une appellation particulière la crise de 1913-14 1914-15 ou Baani dulle du nom du bateau qui apporté des secours celle de 1926-27 1927-28 ou boorsuttu siine car le mil séché alors que épi était pas plus gros que la queue un pigeon boorsuttu) ou encore celle du début des années 1930 ou buure sauterelle qui fut notamment provoquée par des invasions acridiennes. Certaines crises se dégagent donc nettement et permettent une première différen ciation mais autres sont difficiles resituer précisément comme celle de jongoone du nom un produit de cueillette qui duré dix ans avant la famine de Baani. On ne peut donc pas retenir ce critère il ne permet pas un traitement homogène des données. D’un autre côté, mis part quelques grandes crises présentées partout en des termes semblables ce qui ressort de ensemble des témoignages est leur grande diversité Celle-ci renvoie la mobilité des informateurs en effet rémigration masculine ayant touché cette région dès la fin du xix siècle il est extrêmement rare de trouver un qui ait passé toute sa vie au pays ce qui rend malaisée la comparaison entre les crises Il faudrait se tourner plutôt vers les femmes mais elles sont souvent plus réticentes De plus elles ont généralement des repères chronologiques différents de ceux des hommes et plus délicats exploiter parce ils renvoient surtout un vécu familial et villageois. Cela demanderait un travail plus approfondi au niveau des généalogies notamment La variété des témoignages traduit aussi des différences régionales dans extension spatiale des crises et des différences sociales en fonction des ressources de chaque famille. Les données orales intéressantes pour une approche globale du phénomène se prêtent donc mal élaboration une typologie dans la mesure où elles ne permettent pas affecter un indice de gravité ensemble des crises est pourquoi nous avons privilégié les sources écrites pour disposer de données plus homogènes et plus quantifables. Avec les archives, autres problèmes se posent néanmoins. Pour Europe classique des xvii et xvi siècles les historiens retiennent généralement comme critères de détection des crises de subsistances la corrélation entre une hausse des prix du blé et un accroissement de la mortalité amplitude de ces mouvements leur permet aussi de mesurer la gravité de la crise. Pareille démarche est pas transposable en histoire africaine même pour la période coloniale surtout dans le cadre une zone rurale. On trouve bien sûr des renseignements sur la population et sur les prix des céréales mais on ne peut pas constituer des séries et faire une analyse systématique et continue sur la longue durée. Les données démographiques sont trop ponctuelles et trop peu fiables pour on puisse étudier partir elles évolution de la mortalité en cas de crise de subsistances et encore moins impact une crise sur les structures de la population par âge par sexe et par catégorie sociale cause de leur lien direct avec la fiscalité les chiffres de population sont prendre avec beaucoup de réserve. On peut supposer néanmoins ils ne reflètent pas simplement les difficultés et les progrès des dénombre ments administratifs mais aussi dans une certaine mesure les fluctua tions démographiques. Il semble en effet il ait une corrélation même grossière entre les crises démographiques et les crises de subsis tances les plus graves selon la typologie exposée plus loin Mais en aucun cas les données démographiques auraient pu servir de point de départ dans analyse de intensité des crises Une approche de la gravité des crises de subsistances par étude des prix du mil est pas non plus satisfaisante Les informations sur le commerce du mil sont assez abondantes dans les rapports administratifs du xixe siècle mais se rarénent dans ceux du xxe siècle En effet ce commerce est important Bakel et dans les villages soninke pendant la seconde moitié du xixe siècle impôt est payé en mil ou en pièces de gui ee que la population se procure auprès des traitants contre du mil ce qui alimente un courant exportation vers Saint-Louis et le pays maure En 1889 impôt est monétarisé38 et progressivement le commerce des pagnes et émigration se substituent au commerce du mil comme sources de numéraire Le marché du mil devient donc marginal au xxe siècle ce qui explique appauvrissement des données pour cette période Les échanges locaux se maintiennent souvent sous forme de troc mais on ne peut guère les saisir travers les sources écrites Il est donc pas possible établir de longues séries de prix Il est de surcroît difficile de réunir des données homogènes pour le xixe siècle Les mesures de capacité sont en effet très variables le muude39 qui sert aux échanges de céréales est originaire Afrique du Nord et été introduit au Soudan dans le cadre du commerce transsaharien Le cône de bois dont il est fait peut contenir de 25 kg selon les villages et selon les transactions Il existe des mesures de référence dans chaque village mais elles peuvent varier sensiblement entre elles Il agit du debi gume muude muude du chef de village et du minna muude muude de la soif le premier sert en particulier au paiement des taxes et parfois aux échanges le second est réservé aux aumônes notamment celles de la du Ramadan De plus chaque kagume possède son propre muude qui est pas précisément étalonné sur celui du chef de village Quant aux traitants ils ont un muude de capacité différente selon ils achètent ou ils vendent du mil le premier ayant une contenance supérieure40 administration coloniale essayé uniformiser ces mesures mais sans grand succès De plus il existe plusieurs manières utiliser le muude en général on remplit la mesure de grains et on forme un cône est le muude proprement dit ou muude xensa Mais en temps de famine on se contente le plus souvent de remplir le muude ras bord est le muude bemba. Par ailleurs on ne peut comparer les prix du mil pour des années différentes que ils correspondent des moments identiques de année agricole cause de importance des fluctuations saisonnières. Entre le mois de décembre après la récolte de jeeri et le mois août période de soudure le prix du mil peut être multiplié par deux par trois ou même davantage. Ces différences qui renvoient en premier lieu la raréfaction des céréales certains moments de année traduisent surtout les spé culations des traitants sur la vente forcée du mil Les prix fluctuent aussi selon les lieux entre les escales et les comptoirs par exemple Bakel en 1883 on peut échanger une pièce de gui ee contre peine 20 muudu de mil tandis que vers Maxanna au Kammera on peut échanger contre 30 muudu Toutes ces variations font on ne peut pas mener une étude des prix du mil comparable celle que font les historiens de Europe pour les prix du blé Ces données constituent néanmoins des renseigne ments précieux sur les crises de subsistances en particulier sur le rôle du commerce en temps de pénurie b/durée mensuelle et gravité des crises, essai de typologie Face insuffisance des données statistiques le seul critère qui nous soit apparu opératoire est celui de la durée mensuelle des crises de subsis tances est une donnée présente dans les sources écrites tout au long de la période étudiée on peut exprimer en chiffres en nombre de mois de crise et en établir une série homogène et continue Plus fondamentale ment est une donnée travers laquelle peut se mesurer intensité une crise et qui se prête élaboration une typologie. Que signifie la durée une crise sur le plan du fonctionnement du système de production Elle résulte en amont un manque de réserves qui renvoie lui-même des mauvaises récoltes antérieures ou des pré lèvements sur la production Les premières peuvent être dues des condi tions écologiques défavorables une insuffisance de main-d uvre emigration travaux forcés recrutement militaire ou encore des per turbations politiques. Les seconds proviennent du paiement de impôt et des redevances des réquisitions en nature La durée de la crise résulte en aval du problème de la reprise le moment de sa résorption avec la venue des nouvelles récoltes dépend des conditions écologiques mais aussi des conséquences de la crise elle-même est-à-dire des disponibilités en semences et en force de travail. Ce sont là les problèmes essentiels de la reprise le plus souvent les semences ont été consommées et la main- uvre fait défaut pendant les travaux agricoles les hommes valides étant partis la recherche de nourriture et la population restée sur place étant affaiblie par la famine Plus la crise est longue plus ce problème se pose avec acuité et plus la reprise est difficile La durée de la crise apparaît donc comme la résultante de facteurs complexes que je ai fait évoquer rapidement ici. La durée renvoie aussi extension spatiale de la crise Un de nos informateurs de Bakel distinguait ainsi une année difficile une année de crise proprement dite entre la famine de 1914 et celle de 1927 il eu des sécheresses mais pas vraiment de famine car on pouvait trouver du mil chez les voisins La famine est quand on en trouve même pas acheter une crise peu étendue spatialement peut être en effet rapi dement résorbée par des échanges entre villages et entre régions voisines en occurrence pour le Goy avec le Damga et le Bundu Mais encore faut-il que ces échanges soient politiquement et économiquement possibles il ait pas de conflit avec ces régions et que celles-ci soient en mesure échanger des surplus de production Même en absence de pénurie au Bundu et au Damga ces régions ne sont pas toujours en état de le faire pendant la colonisation Les populations du Bundu vendent du mil aux traitants de Bakel pour se procurer argent de impôt. Le Fuuta quant lui joue le rôle de grenier mil pour la zone arachidière du Sénégal avant importation du riz Indochine au début du xxe siècle et ne peut donc plus écouler ses surplus dans les régions voisines est là un des multiples aspects des répercussions de agri culture de rente sur équilibre vivrier des régions périphériques. La durée d’une crise permet aussi en apprécier la gravité car les comportements sociaux et les stratégies de survie évoluent au fur et mesure que la crise se prolonge Lorsque celle-ci apparaît il est rare que toutes les familles un village aient épuisé leurs réserves en même temps ayant pas toutes les mêmes capacités accumulation un surplus agricole entraide est donc possible au début que ce soit sous forme de dons ou avances de mil Mais avec approfondissement de la crise les différences sociales estompent Les populations doivent sortir du village 45 selon expression consacrée pour aller chercher des ressources ailleurs Les femmes vont ramasser des plantes sauvages en brousse les hommes partent en quête de mil Ils en procurent en échangeant des pagnes de or du bétail réunis grâce entraide des différents membres du ka ou bien en vendant leur force de travail dans les escales et dans les villes Plus la crise dure plus élargit aire de survie où les hommes cherchent des solutions de rechange de environnement immédiat on passe aux régions voisines Bundu et Damga des régions plus lointaines zone arachidière et villes du Sénégal autres colonies Afrique. Par fois des familles entières émigrent Pour les populations restées au village les problèmes de survie provoquent souvent une dégradation des compor tement sociaux un relâchement des rapports autorité et éclatement de conflits latents au sein de la famille la remise en cause de certains privilèges. La durée une crise est donc significative de différents points de vue c’est pourquoi nous avons retenue comme critère de gravité. La durée mensuelle des différentes crises apparaît déjà la Figure qui replace chaque crise dans année agricole mais ne permet pas de comparer aisément leur durée respective Pour ce faire ai choisi un autre mode de représentation pour élaborer le graphique de la durée mensuelle des crises de subsistances Fig année agricole reste toujours la référence mais elle est ramenée une unité de temps et est plus figurée dans son déroulement De ce fait ce est plus inscription précise de la crise dans année agricole qui apparaît mais seulement sa durée mensuelle. Cette représentation efface les temps de récupération entre des crises successives mais permet en revanche appréhender plus rapidement la durée de chaque crise L’élaboration d’une typologie des crises, en fonction de leur durée et de leur intensité me conduit définir des seuils de gravité Les crises de subsistances relevées tout au long de la période étudiée couvrent des périodes de un seize mois Dans la présentation du système de production agricole nous avons vu que la soudure principale lieu lors de hivernage pendant la sous-saison juxa et dure environ deux mois Si la pénurie se prolonge on peut considérer il ne agit plus de soudure proprement parler mais plutôt de famine autre extrême se détachent les longues crises qui étendent sur deux années agricoles pendant neuf mois et plus est pourquoi nous avons retenu comme types de crise les disettes ou soudures difficiles un ou deux mois les famines de trois huit mois et les grandes famines plus de huit mois et affectant deux années agricoles En fonction de cette typologie nous avons réalisé un graphique des disettes et des famines Fig qui permet un repérage rapide des crises tout au long de la période étudiée et une appréciation de leur gravité en fonction de leur durée. Apparaissent clairement la grande fréquence des crises de subsis tances et leurs rythmes On relève 45 années de crise sur 88 ans selon les sources écrites soit environ 50 53 années de crise selon les sources écrites et les sources orales soit environ 60 Dans ensemble des crises repérées partir des sources écrites on note 12 années de disette soit environ 26 21 années de famine soit environ 46 io années de grande famine soit environ 22 Une première grande famine survient en 1867-68 1868-69 quelques années après la conquête de Bakel et du Goy supérieur Quatre grandes crises sévissent du début du XXe siècle la Seconde Guerre mondiale 1905-06 1906-07 1913-14 1914-15 1926-27 1927-28 1944-45 1945-46 Seule la crise de 1926-27 est isolée dans une série de bonnes années les autres grandes crises sont précédées années de disette ou de famine Cette succession de mauvaises années apparaît fréquemment sur ensemble des cinquante-trois crises répertoriées travers les sources écrites et les sources orales six crises seulement ont affecté une seule année agricole Ce qui se dessine au contraire ce sont des séquences de bonnes et de mauvaises années c/séquences de crises et problèmes de périodisation A l’ “année de la faim” dulle siine oppose année de la bonne récolte anjan Hye siine Les Soninke emploient ces expressions au plurielle plus souvent dullu siinu et anjan iyu siinu car selon nos informateurs une bonne ou une mauvaise année vient rarement seule. Ces constatations vont dans le sens des trains années de crise que la Figure met en évidence Cette notion de séquence se dégage de la chronologie des crises mais aussi de analyse de chacune entre elles. En effet pour mettre au jour les différents paramètres qui déterminent le déclenchement une crise son déroulement et sa résorption et pour apprécier ses conséquences long terme il faut faire référence aux années bonnes ou mauvaises qui précèdent et qui suivent année de crise pro prement dite Comme on déjà vu plus haut les facteurs de production conditions écologiques force de travail semences… et organisation de la consommation au niveau de la famille étendue et avec la constitution de réserves ont des répercussions une année sur autre et renvoient par conséquent une temporalité pluri-annuelle. Cela nous amène reconsidérer le fonctionnement du système de production en le resituant dans un cadre plus large que celui de année agricole variable selon la succession des périodes abondance et de pénurie les séquences de bonnes et de mauvaises années. Ainsi on ne peut rendre compte des problèmes que pose la mise en culture par rapport aux conditions écologiques et la force de travail si on limite analyse une seule année agricole Pour les cultures de décrue la superf cie cultivée en uiaalo et le déroulement de la campagne agricole dépendent dans une large mesure des conditions écologiques de année en cours superf cie inondée début et rythme de la décrue préda teurs et parasites vents est… car la majorité des travaux agricoles ont lieu après la décrue Cependant les conditions écologiques des années précédentes ne sont pas indifférentes est ainsi que la succession années sèches et une bonne crue présente avantage de limiter le développe ment des plantes adventices et par conséquent les travaux de désherbage Lericollais 1980 Pour les cultures sous pluie les champs ae ceri étant préparés pour les semis avant hivernage le choix des terres mises en culture renvoie aux conditions écologiques de année ou des années antérieures Si par exemple un bon hivernage succède une série années sèches les producteurs cultivent encore de préférence des sols qui retiennent bien humidité terres laissées en jachère et terres de bas- fonds ces dernières risquant alors être inondées par une forte crue48 Il donc une certaine prégnance des conditions écologiques antérieures sur les comportements des producteurs et ce est que lors du second bon hivernage ils pourront tirer pleinement parti des conditions redevenues faorables En fait adaptation aux conditions écologiques renvoie un autre facteur celui de la force de travail Ce est avec un grand nombre de cultivateurs que le kagume peut mettre en uvre certaines stratégies limitant les risques de mauvaises récoltes la diversification des espèces et des variétés cultivées plus ou moins hâtives plus ou moins résis tantes la sécheresse) la mise en culture de terroirs différents par leurs sols et leur localisation) organisation du travail en unités plus ou moins éclatées49. La mobilisation un grand nombre de producteurs est éga lement nécessaire pour pouvoir recommencer les semis détruits par une inondation ou par la sécheresse et faire face aux deux goulots étran glement du calendrier agricole Il agit une part du sarclage du mil et du mais en juillet-août et autre part des récoltes de jeeri et des semis de waalo en octobre-novembre qui coïncident le plus souvent cause de la décrue précoce dans la haute vallée Comme on déjà vu ce pro blème de main-d uvre se pose avec acuité pendant les crises de subsis tances avec le départ des hommes valides la recherche de vivres et le mauvais état sanitaire de la population restée au village Cela retarde la reprise et provoque une certaine autonomisation de la crise qui se réengendre elle-même après la disparition des facteurs qui ont provoqué son déclenchement De même les emprunts de mil aux traitants ou administration par intermédiaire des sociétés de prévoyance grèvent les futures récoltes et participent de la même dynamique de crise Les départs des hommes en temps de famine se transforment souvent en emigration de longue durée et provoquent une baisse de la production agricole pendant les années suivantes. Par exemple la crise de 1926-27 1927-28 apparaît en juin 1926 alors que les récoltes de année 1925-26 ont été assez satisfaisantes cf Fig. Elles ont pas suffi cependant assurer la soudure aux récoltes de jeeri octobre-novembre 1926 Celles-ci étant très mauvaises cause un hivernage très sec la situation vivrière ne se rétablit en sep tembre 1927 après quinze mois de crise Comment expliquer apparition de cette crise dès juin 1926 alors que les années précédentes de 1921-22 1925-26 ont été bonnes dans ensemble cf Fig. En fait durant cette séquence de bonnes années les rapports administratifs ne cessent de souligner insuffisance de la mise en culture de la région due émi- gration cela ajoutent les perturbations des travaux agricoles provo quées par les travaux forcés. Les bonnes récoltes du début des années 1920 assurent donc tout juste la couverture des besoins alimen taires et ne permettent pas la constitution de réserves du fait du rapport déséquilibré entre productifs et improductifs Aussi, dès qu’ une année est un peu moins bonne comme en 1925-26 une crise de subsistances se produit absence de lien de causalité simple entre état des récoltes et les crises de subsistances va donc aussi dans le sens une analyse séquentielle des crises. On voit, après la Figure que on peut délimiter les séquences de bonnes et de mauvaises années qui rythment la période coloniale tant donné les problèmes que pose la reprise on considérera une seule bonne année encadrée années de disette et de famine interrompt pas une séquence années de crises et il faut au minimum deux bonnes années successives pour pouvoir parler du retour une certaine norma lité est ainsi que je regroupe les années 1858-59 1863-64 dans une même séquence de crises malgré la présence une bonne année en 1861- 62. En revanche je ne tiens pas compte de année 1937-38 qui apparaît comme une année de crise seulement travers les sources orales dans la série des bonnes années 1934-35 1939-40 Trois périodes se dégagent. – de 1858-59 à 1896-97: période caractérisée par la grande fréquence des séquences de crises interrompues par de brèves séquences de bonnes années Parmi ces crises on relève une grande famine en 1867-68 / 1868-69; – de 1897-98à 1914-95: une seule séquence de crises, couvrant dix- huit années et comprenant deux grandes famines en 1905-1906 1906-1907 et en 1913-14 1914-15; – de 1995-96 à 1945-46: une période où apparaissent des séquences de bonnes années plus longues que les précédentes mais où sévissent deux grandes famines en 1926-27 1927-28 et en 1944-45 1945-46. Un certain nombre de questions se posent au sujet de cette tentative de périodisation par exemple le contraste entre la première et la troisième période une se caractérise par la grande fréquence des crises de durée moyenne exception une grande famine alors que autre est marquée par de grandes crises avec dans intervalle des périodes de récupération plus longues .La seconde période qui constitue une seule séquence de crises coïncide avec la mise en place effective des structures coloniales dans la haute vallée comme dans ensemble du Sénégal Cette aggravation du déséquilibre vivrier au début de la période coloniale été mise en évidence dans autres régions Afrique Dias 1981). Mais les périodes proposées ici ne le sont titre hypothèses de recherche car une périodisation fondée seulement sur le rythme des séquences de bonnes et de mauvaises années aurait pas beaucoup de sens La question est de savoir quoi renvoie ce rythme dans histoire coloniale de cette région et du Sénégal et si les ruptures suggérées par les séquences de crises correspondent des changements importants dans la vie économique et sociale de la population Pour répondre une autre démarche est nécessaire qui dépasse approche sérielle des crises de subsistances et qui en fasse une analyse globale et thématique On peut tenter en effet de périodiser les changements économiques et sociaux en ... Lire la suite…De la traite à la conquête coloniale dans le haut-Sénégal : l’État soninké du Gajaaga de 1818 à 1858 Monique ChastanetDernières infosConquêteColonialeBakel.pdfLire la suite de l’article dans les archives du site: hal.archives-ouvertes ... Lire la suite…Liste des autoroutes du SénégalDernières infosLe réseau des autoroutes sénégalaises est long de 221 km, c’est l’un des plus longs réseaux autoroutiers à péage en Afrique de l’Ouest. Le tronçon Dakar – Diamniadio fut la première autoroute à être inaugurée dans le pays. Longue de 35 km, elle a été mise en service en août 2013. En octobre 2016, ce tronçon a été prolongé de 17 km vers l’aéroport international Blaise Diagne puis de 19 km vers Sindia. Le 20 décembre 2018, le tronçon entre l’aéroport de Blaise Diagne et Touba est ouvert à la circulation soit 130 km. Le 22 janvier 2019, le tronçon entre Sindia et Mbour est inauguré. Le tronçon autoroutier entre Mbour et Koalack est en cours de construction depuis janvier 2019. L’objectif du gouvernement est de réaliser 800 km d’autoroutes d’ici 2030 pour permettre la réalisation d’un Sénégal émergent. Un document précise que 3 000 emplois destinés principalement aux jeunes ont déjà été créés par les projets autoroutiers. Aperçu général: Numéro Villes desservies Longueur A1 Dakar – Diamniadio – AIBD – Mbour 91 km A2 AIBD – Thiès – Touba 130 km L’autoroute A1: L’autoroute A1 dite autoroute de l’Avenir est la première autoroute du Sénégal, elle relie Dakar à l’aéroport international Blaise Diagne. Elle est ouverte en trois phases, d’abord entre Dakar et Diamniadio en 2013 puis de Diamniadio à l’aéroport en octobre 2016 et enfin la section entre Sindia et Mbour de 35 km est inaugurée le 22 janvier 2019. Les travaux ont pris du retard à la suite d’un long processus d’indemnisation des propriétaires sur ce tronçon car elle devait ouvrir en 2016. Les travaux de la quatrième phase entre Mbour et Kaolack ont commencé en janvier 2019. Ils doivent durer 45 mois soit une ouverture prévue en 2023. Cette section fait partie de l’axe majeur qui doit relier Dakar à Abidjan en Côte d’Ivoire. Financement: Construction de l’autoroute à péage en 2008 La première phase de cette autoroute a été cofinancée par la Banque mondiale (52,5 milliards de FCFA), l’Agence française de développement (40 milliards de FCFA) et la Banque africaine de développement (33,2 milliards de FCFA) pour une longueur de 35 km. La société SENAC SA, qui est détenue à 100% par le groupe Eiffage, a obtenu la concession pour une durée de 30 ans. Pour la seconde phase d’une longueur de 17 km, ce tronçon comprend 14 ouvrages d’art courants, 40 ouvrages hydrauliques, 3 gares de péage et 17 km de fibre optique. Il a été réalisé selon le schéma de Partenariat public-privé pour un coût total de 92,2 milliards de Francs CFA dont 69,2 milliards Francs CFA par l’Etat et 23 milliards Francs CFA apportés par SENAC SA6. D’une longueur de 55 km, l’axe AIBD – Sindia a été réalisé pour coût total de 200 milliards de Francs CFA, ce tronçon fait partie de la future autoroute AIBD – Mbour, et a reçu un financement d’Eximbank Chine et l’Etat du Sénégal. Sorties: Chaussées de 2×3 voies entre Dakar et Thiaroye et 2×2 voies entre Thiaroye et Mbour Échangeur entre N 1 et A 1 1 : Colobane et Bel Air 2 : Castor 3 : Hann (demi-échangeur) 4 : Patte d’Oie – Accès à l’Aéroport international Léopold-Sédar-Senghor Échangeur entre N 1 et A 1 5 : Hann (demi-échangeur) Aire de service Dalifort (sens Dakar-Province) Section à péage 6 : Guediawaye et Pikine 7 : Guediawaye et Thiaroye Péage de Thiaroye 8 : Malika, Keur Massar, lac Rose et Mbao (demi-échangeur) 9 : Rufisque-Ouest et cap des Biches Péage de Rufisque 10 : Rufisque-Est, Sangalkam, Bargny et Lac rose (demi-échangeur) 11 : Diamniadio (trois-quart-échangeur) 12 : Sébikotane N 2 Péage de Touglou 13 : Aéroport international Blaise-Diagne Échangeur entre A 1 et A 2 Péage de Kirène 14 : Sindia 15 : Nguékhokh 16 : Malicounda 17 : Mbour N 1. En construction: En 2018, le gouvernement organise des réunions techniques avec les différents partenaires et informe que l’autoroute entre Mbour, Fatick et Kaolack sera d’une longueur de 120 km en 2×2 voies extensibles en 2×3 voies. Les travaux ont commencé à la suite de l’inauguration du projet AIBD-Mbour et comportera 4 échangeurs. Sorties: 18 : Thiadiaye 19 : Fatick 20 : Gandiaye 21 : Kaolack L’autoroute A2: Deux tronçons totalisant 130 km entre l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), Thiès et Touba dite ila Touba sont ouverts à la circulation le 20 décembre 2018. Pendant la phase de construction, l’autoroute a été ouverte provisoirement durant le Magal de 2017 entre Aéroport Blaise Diagne et la route nationale 3 à Keur Madaro et lors du Magal de 2018 où l’autoroute est ouverte cette fois-ci sur toute sa longueur pendant une semaine. À terme, l’autoroute ira jusqu’à la frontière de la Mauritanie à Bakel. Financement: Pour la section Thiès-Touba, la Chine donne un prêt de 416 milliards Francs CFA pour la réalisation de l’autoroute. Sorties: Échangeur entre A 2 et A 1 Péage de Thiambokh 1 : Thiès-Sud Péage de Thiès 2 : Thiès-Est N 3 3 : Khombole 4 : Bambey Aire de service Bambey (dans les deux sens) 5 : Diourbel Péage de Touba 6 : Ngabou Touba N 3 En projet L’autoroute est prévue d’être prolongée jusqu’à Bakel à la frontière avec la Mauritanie et pas très loin le Mali. Autoroute en projet: L’autoroute Dakar – Saint-Louis: L’autoroute Dakar – Saint-Louis qui devrait avoir le numéro A3 et dite autoroute de la côtière est un projet qui doit relier Dakar à la Mauritanie en passant par la côte. Elle commencera à Tivaoune Peulh soit à la fin de la voie de dégagement nord. L’autoroute sera faite en deux phases d’abord entre Tivaoune Peulh et Lompoul-sur-Mer de 114 km dont les travaux commencent en fin d’année 2018. Puis entre Lompoul et Saint-Louis de 81 km. Le coût de la première phase est estimé à 480 millions de dollars, soit 240 milliards de Francs CFA. La contribution de l’État du Sénégal à ce projet est estimée à 175 millions de dollars, soit 87 milliards de Francs CFA. Cependant, ce montant ne prend en compte que les droits de douanes, la taxe sur la valeur ajoutée, les imprévus liés aux modifications et à la révision des prix ainsi que le paiement des indemnités d’expropriation aux personnes affectées par le projet. En ce qui concerne le plan de financement proposé par le Sénégal aux bailleurs de fonds, il se décline ainsi qu’il suit : 50 milliards de Francs CFA soumis au Fonds saoudien, 45 milliards de Francs CFA au Fonds Koweitien, 15 milliards de Francs CFA à la Badea, 15 milliards de Francs CFA à l’Ofid, 15 milliards de Francs CFA pour le Fonds d’Abu Dhabi et 100 milliards de Francs CFA à la Bid. La seconde phase devrait être aidée financièrement par la Banque africaine de développement et la Banque européenne d’investissement.... Lire la suite…Régionalisation de Bakel : La proposition de découpage de la nouvelle région de BakelDernières infosLa régionalisation du département de Bakel s’inscrit dans la décentralisation de l’organisation administrative du Sénégal, afin de permettre une meilleure harmonisation des politiques de développement et d’aménagement du territoire. Le département de Bakel compte une population de 109 833 habitants. Il est situé à l’Est de la Région de Tambacounda. Il est limité au Sud par la Région de Kédougou, à l’Est par le Mali et la Mauritanie, à l’Ouest par le Département de Goudiry et au Nord par la Région de Matam. Voici une présentation détaillée de la proposition du découpage en région de l’actuel département de Bakel (dans la région de Tambacounda) qui a été faite par le comité de réflexion (préfet, maire, sous préfet et différents responsables locaux) avant les éventuelles modifications (voir Bakel devant être érigée en région ballou et golmy de nouvelles communes et yafera chef-lieu d’arrondissement). RÉGION DE BAKEL : Bakel chef lieu de Région sera composé de 3 départements : Département de Bakel ; Département de Diawara et Département de Kidira. A. DEPARTEMENT DE BAKEL : Il y aura 3 communes dans ce département : Bakel, Golmy et Ballou. A coté de ces futures communes, on notera les arrondissements de Gabou, Yafera, Kahé. Les communautés rurales de l’arrondissement de Gabou sont : Gabou, Yaféra, Kahé. Arrondissement de Gabou : Communauté rurale de Gabou dont 17 villages: Gabou, Bordé Diawara, Alahina, Béma, Sira Doundou, Sira Mamadou Bocar, Diabal, Gouniang, Samba Yidé Samba Niamé, Sarré Fadoubé, Kadiél, Samba Kontey,Marsa, Gourel Mandiou, Guéthié et Woro Thieno. Arrondissement de Yafera : Communauté rurale de Yafera avec ses 10 villages: Sébou, Dédji, Ndjimbé, Débékhoulé, Amadji, Aourou, Koughany, Yaféra , et Aroundou, Gangala. Arrondissement de Kahé : Communauté rurale de Kahé avec ses 9 villages : kahé, Aléléwi, Mayel Amath, Ololdou, Madina Abdoul, Sinthiou Madina, Loumbol Tobito, Gourel Dialloubé, Samba Gouro. Pour les départements de DIAWARA et de KIDIRA, la proposition du découpage est la suivante : B. DEPARTEMENT DE DIAWARA COMMUNES : Diawara, Moudery et Dembakani ARRONDISSEMENTS : Arrondissement de Tuabou, Tourimé, Bokiladji Arrondissement de Tuabou: Communauté rurale de Tuabou, Arrondissement de Tourimé, Arrondissement de Fadiara 06 villages : Tuabou, Manael, Yéllingara, Galladé, Gandé, et Manthiabou Arrondissement de Tourimé : Communauté rurale de Tourimé 09 villages : Tourimé, Diamewely, Namandry, Bondji, Diawely Garage,Gourel Daw, Ounoubaba, Diécoulane et Débi Arrondissement de Bokiladji : (région de Matam, département de Kanel) : Communauté rurale de Bokiladji Villages à déterminer Arrondissement de Fadiara: Communauté rurale de Fadiara Villages à déterminer C. DEPARTEMENT DE KIDIRA COMMUNES : Kidira ARRONDISSEMENTS : Arrondissement de Bélé, Arrondissement de Kéniéba, Arrondissement de Sadatou, Arrondissement de Sinthiou Fissa Arrondissement de Bélé: Communauté rurale de Sénoudebou, Communauté rurale d’Arigabo, Communauté rurale d’Ouro Himadou Communauté rurale de Sénoudebou : 14 villages : Sénoudebou, Nayes Guitta, Darsalam, Bélé, Ari Hara, Boé, Boubouya, Gourel abdoulaye Diaw, Gourel Mamadou Bara, Gourel Sory Lamine, Gourél Mamadou Siré, Ndioupane, Doundé Communauté rurale d’Arigabo : 13 villages : Arigabo, Ouro Soulé, Fété Golombi, Thioké, Birfal, Waly Diala, Gambi Diaobé, Séno Issaga, Gourel Bouly, Séno Samba Coulibaly, Séno Youpé, Sinthiou seydou Ndoulo, Diabougou Mossi Communauté rurale d’Ouro Himadou : 08 villages : Ouro Himadou, Dialiguel, Sinthiou Dialiguel, Séling, Guirobé, Oubaol, Mamadao Arrondissement de Sinthiou Fissa :Communauté rurale de Sinthiou Fissa, Communauté rurale de Samba Colo, Communauté rurale de Madina Foulbé, Communauté rurale de Tacoutalla 1 Communauté rurale de Sinthiou Fissa : 10 villages : Sinthiou Fissa, Koundel, Fissa Darou, Diamwely Pathé Mbaye, Sakhokounda, Sinthiou Samba Ndiardé, Youpé Hamady,Youpé Pathé, Séoudji, Bani Pally Communauté rurale de Samba Colo : 07 villages : samba Colo, Soumbour Daka, Goundiourou, Sinthiou Yoro Mbaye, Bababé Sénodiaral, Fdjibidji, Yéri Malé Communauté rurale de Tacoutalla 1 : 07 villages : Citabanta, Famira, Hamdallaye, Guédékou, Belly, Djimbara, Vélingara, Samégala Arrondissement de Kéniéba :Communauté rurale de Madina Foulbé, Communauté rurale de Gathiary, Communauté rurale de Toumboura, Communauté rurale de Sadatou, Communauté rurale de Lamina. Communauté rurale de Madina Foulbé : 14 villages : Madina Foulbé, Kéniéba, Diouboye Tronga, Dalaoulé, Tomboromadji, Diombalou, Djingulouding, Fékondji, Samba Yaya, Dioubéba, koba Sansanghoto, Koboto, Gourel Barry, Lally Communauté rurale de Gathiary : 10 villages : Gathiary, Boundou Dioyé, Diyala Amadou, Sabouciré, Gathiary, Tamé, Bountoug Logo, Tacoutala 2, Sanoukholé, Débou Fadéla, Débou Diaobé Communauté rurale de Toumboura : 07 villages : Toumboura, Médina Tracolé, Sansanding, Didé Gassama, Goundaffa, Bancouba Alinguel Arrondissement de Sadatou: Communauté rurale de Sadatou : 12 villages : Sadatou, Diambour Dala, Tourécounda, Goulonga Falala, Soufara, Sinthiou Macka, Mansakodji, Sénocarédji, Ballédji, Sandianlao Communauté rurale de Lamina : 12 villages : Lamina, Moussala, Kaourou, Diyala Bakary, Elimalo, Niéniéko Sara, Sékhoto, Sabouciré Soréto, Diyabougou, Hérémakono, Souakouakou , Broumbroum. Auteur : I. SOUKHOUNA & K.TIMERASource : http://www.yafera.net... Lire la suite…Le Peuple Soninké serait il la 13 ème Tribu d’Israël ? ParAlioune NDAODernières infosPar Alioune NDAO 13/07/2016 à 14:03 De Aroundou au Sénégal, Gouthioubé au Mali, Diogounetourou en Mauritanie. en passant par Yaféra, gomy, Kounghani, Bakel, Tuabou, Manael, Moudéry, Ndiawara, Waoundé sur les rives du fleuve Sénégal. De Balou , Dédji, Arigabo, Sinthiou Garba, Kidira, jusqu’à Bani Israel, cette région où, j’ai fait 48 864 kms en 3 ans, je la connais, et je connais le peuple Soninké. Juste une indication: Le Soninké qui fait 40 ans en France, revient, intact, tjrs imbu de sa culture. C’est un peuple enraciné dans sa culture qui a résisté à toutes les invasions , qu’elles soient religieuses, culturelles ou autres. Ce qui veut dire aussi, qu’ils n’ont pas été facile à islamiser, d’où le sobriquet de ”Soninké” qui signifie ”païen”, mais, à partir du moment, où, ils ont pris la Religion Musulmane, leur sincérité leur a permis de s’immerger totalement dedans et de produire des Erudits. Ce qui fait que l’architecture villageois Sarakholé est composée de quartiers ”Mody Candé” (concession des marabouts), de la concession des rois (Ndiaye dianké par exemple) et de la concession des sujets. Beaucoup de familles dites wolofs sont issues de la lignée Soninké, tels, les Ndiaye, les Ndao, les Diop qui sont essentiellement reconnus comme tiédos, de par leurs capacités à refuser, à préserver leur culture. Le peuple Soninké ou Sarakholé est un grand peuple, qui a symbolisé la résistance à travers les âges et l’Afrique entière, qu’il a traversée pour refuser les diverses persécutions, qu’elles soient d’essence Religieuse, culturelles ou colonisatrices. La trace du long exode de ce peuple, on peut la retrouver dans l’architecture de leur village qu’on peut voir jusqu’à l’agencement des logements dans la plupart des villages Africains. Un village sans clôture, où, tout est entrées et sorties à la fois. C’est la marque des peuples migrants, qui sont toujours prêts à lever le camp. C’est ce type d’architecture villageoise que l’on peut voir dans les villages Lébous ou à l’intérieur du pays, qui contrairement aux peuples sédentaires qui, eux, font des tatas ou forteresses pour se barricader. La 13 èmme tribu perdue d’Israël, pourrait bien être Soninké. La preuve, le village Soninké de ”Bani Israel”, à une centaine de kms de Tamba, village plusieurs fois millénaire. L’origine de ce grand peuple, si, elle est tracée à travers les patronymes, démontrent qu’il a existé avant l’Islam, et est d’appartenance Hébraïque, la première Religion révélée au monde. Vous rencontrez la plupart des noms hébraïques chez les Soninké. Zakaria, Youssoupha, Kader, Moussa etc… Beaucoup de locutions ou mots hébraïques se retrouvent dans la langue Soninké. Ils ne sont pas d’origine juive, mais Hébreux. Le saviez-vous ? Quand la Société des Nations, ancêtre de l’ONU cherchait un territoire pour les juifs pour y implanter un foyer juif, en 1922, elle avait retenu trois sites: La Palestine, l’Ethiopie et la région de Tamba, au Sénégal. Cela, dans les négociations, pour trouver un territoire aux juifs, aux Sionistes. Ce sont les Anglais à qui on avait donné mandat de valider un choix, qui ont écarté les deux autres alternatives. Cela, les historiens juifs n’en parlent jamais. Mais, quand, ils ont reconnus qu’ils avaient des frères noirs, en l’occurrence, les Falashas d’Ethiopie, ils savaient aussi, que la 13 ème tribu n’avait pu s’arrêter là-bas et était partie beaucoup plus loin. En 1992, après mon séjour de trois années en pays Soninké, j’avais adressé une lettre à l’ambassadeur D’Israël pour attirer son attention sur ces faits troublants de l’Histoire, il ne m’a jamais répondu.... Lire la suite…Conflit sénégalo-mauritanienDernières infosEntre 1989 et 1991, le conflit sénégalo-mauritanien a opposé le long du fleuve Sénégal deux pays riverains, la Mauritanie et le Sénégal. Cette crise s’est soldée par la rupture de leurs relations diplomatiques pendant plusieurs années, des dizaines de milliers de victimes dans les deux pays, des milliers de réfugiés de part et d’autre, sans parler des répercussions non négligeables sur la politique intérieure sénégalaise. Elle a marqué durablement les relations entre les différentes communautés. Origines du conflit Depuis plusieurs siècles, la région du fleuve est habitée à la fois par des populations noires autochtones peul, wolof, bambara mais aussi soninké et des populations arabo-berbères en provenance du Nord. Les périodes de sécheresse successives accentuent encore ces mouvements migratoires et les nomades maures tendent à se sédentariser, notamment dans les villes. Les actions de l’OMVS (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal), et notamment la construction des barrages tel celui de Diama, altèrent encore l’équilibre précaire entre éleveurs et agriculteurs. En Mauritanie, la réforme foncière de 1983 renforce la place de l’État et s’éloigne des régimes coutumiers, soulevant avec plus d’acuité le problème des nombreux paysans transfrontaliers. En parallèle, le pays, soucieux de renforcer son identité au sortir de l’indépendance, a renforcé ses liens avec le monde arabe, alors que le Sénégal reste attaché à la francophonie. C’est ainsi que le poids de l’histoire et notamment de la colonisation par ses délimitations artificielles, les affrontements inter-ethniques, la dégradation de l’environnement physique et économique, conduisent dès 1988 à une dégradation des relations entre les deux États qui, d’incident en incident, durcissent leurs positions respectives. Une situation explosive se crée, que ne manqueront pas d’attiser les médias, prompts à privilégier la dimension ethnique du conflit. Chronologie des événements Le 9 avril 1989, à Diawara , dans le département de Bakel, est le théâtre d’un nouvel accrochage entre des bergers peuls mauritaniens et des paysans soninké sénégalais. L’armée mauritanienne intervient, deux Sénégalais sont tués, plusieurs grièvement blessés, et une douzaine retenus en otages. Du 21 au 24 avril, ce sont des commerçants maures blancs qui voient leurs boutiques pillées et incendiées, des professionnels maures noirs sont brûlés vifs dans les fours de leur « dibiterie » (mechoui) ou encore décapités. Les Maures qui étaient à Kaolack ont été protégés par la confrérie Tijaniyya des Niasse qui a assuré leur retour sains et saufs en Mauritanie . Il en est de même des chefs religieux relevant de la Qadiriyya (pour l’essentiel descendants de Cheikh Saad Bouh). Fin avril, des centaines de Sénégalais sont tués ou mutilés à Nouakchott et dans plusieurs autres villes mauritaniennes, et lorsque les rapatriements ont commencé, les Maures ont fait l’objet de vives représailles à partir du 28 avril. À ce moment-là, le chiffre officiel est de 60 victimes. Chaque pays entreprend alors de rapatrier ses ressortissants, grâce à un pont aérien mis en place par la France, l’Algérie, l’Espagne et le Maroc. L’état d’urgence et le couvre-feu sont instaurés sur la région de Dakar afin de contrôler une foule surexcitée. L’escalade est évitée. C’est en ce moment qu’Abdou Diouf président de la république du Sénégal ordonna à l’armée sénégalaise de protéger les ressortissants mauritaniens en les amenant au bataillon du train pour assurer leur rapatriement en Mauritanie. 160 000 Mauritaniens et 70 000 Sénégalais sont rapatriés à ce moment-là. Le 21 août 1989, les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues, elles ne seront rétablies qu’en avril 1992. La frontière sénégalo-mauritanienne est rouverte le 2 mai 1992. Bilan et conséquences Ces départs massifs perturbent l’équilibre de la vallée du fleuve, entraînant notamment une baisse de la production agricole et un accroissement de la déforestation. En Mauritanie, le secteur du bâtiment et la pêche maritime, traditionnellement assurés par les Sénégalais, souffrent de ces expulsions. Sur la rive gauche, le retour des réfugiés provoque une surcharge des infrastructures (points d’eau, équipements sanitaires) déjà saturées. Le département de Podor voit sa population croître de 13,6 %, celui de Matam de 12 %. La population de certains villages double. De nombreuses associations et partis se créent pour venir en aide aux réfugiés, mais l’aide internationale se tarit peu à peu, et leur sort reste aujourd’hui le problème le plus préoccupant. Selon le HCR – l’organisme international principal qui dès le début a pris en mains l’accueil des expulsés –, des réfugiés sont toujours établis le long du fleuve Sénégal. En 2007, le Président de la Mauritanie, alors candidat, s’est prononcé en faveur du retour de ses compatriotes vivant au Sénégal et au Mali contre leur gré. Sur le plan de la politique intérieure du Sénégal, le conflit a pu contribuer à l’ascension du PDS et d’Abdoulaye Wade. Il a également servi de révélateur à la crise sociale par l’afflux des réfugiés. Le pays s’est trouvé fragilisé par rapport à ses voisins. Le problème du tracé de la frontière avec la Guinée-Bissau s’est posé dans la foulée, puis les difficultés avec la Gambie ont conduit à la dissolution de la Confédération de Sénégambie en 1989. Enfin cet épisode de l’histoire contemporaine a marqué durablement les esprits et nourri quelques ressentiments de part et d’autre.... Lire la suite…Le marabout El Hadj Mamadou Lamine d’après les archives françaisesDernières infosHistoire: Qui est Mamadou Lamine DRAME ? Mamadou Lamine Dramé, Soninké né vers 1835 à Goundiourou, près de Kayes, d’un père marabout. Il participa dans sa jeunesse à une expédition contre les animistes de Gamou, capitale du Tenda (Haute-Gambie). Il y resta prisonnier plusieurs années, et fut fouetté à coup de cordes, humiliation qu’il n’oublia pas. Il séjourna ensuite au Fouta, avant de se rendre à la Mecque, restant une dizaine d’années au Moyen-Orient. A son retour, Amadou, le fils d’El Hadji Omar, l’assigna à résidence sept ans durant (1878-1885). Il sera libéré par Madani, fils du sultan, pendant une absence de celui-ci. COMBATS AU BOUNDOU, ATTAQUE DE BAKEL (1885-1886) Mamadou Lamine rentra au pays en juillet 1885, informant les autorités françaises des sentiments d’amitié qu’il leur portait, mais se livrant simultanément à des tournées de prédication qui lui attirèrent de nombreux adeptes. Il proclama le jihad contre le Tenda et Omar Penda, l’almamy du Boundou, lui ayant refusé le passage, il s’empara des principales localités du pays, y compris la capitale, Boulébané (février 1886). La deuxième compagnie de Tirailleurs sénégalais, sous les ordres du capitaine Ferrat, s’empara alors des femmes, des enfants, des esclaves et des biens du marabout à Goundiourou (14 mars 1886). Le marabout renonce à la conquête du Tenda et concentre ses forces dans la région de Bakel. Il tend une embuscade à la 1ère compagnie de Tirailleurs, lui tuant dix hommes, s’emparant d’un canon et de marchandises. Entre le 1er et le 4 avril 1886, ses forces, estimées à 12000 hommes attaquent Bakel défendu par 141 hommes, assistés d’un millier de volontaires (Wolof et traitants). En dépit de violents combats de rues, Mamadou Lamine ne peut s’emparer de la place. Il se retire devant l’arrivée à Kayes, revenant de Bamako, du lieutenant-colonel Frey. Après avoir eu le dessous à Tambokané et à Kidira, Mamadou Lamine gagne la Haute Gambie. Les colonnes Frey et Combes se livrent à de dures représailles sur les habitants du Haut-fleuve, incendiant une centaine de villages entre le 10 avril et le 24 mai 1886. Des contingents toucouleurs et maures appuient les forces de répression. Avant de quitter pour toujours le haut-fleuve, Mamadou Lamine avait laissé à son jeune fils, Souayibou, le soin de poursuivre les opérations. Assiégé pendant cinq mois dans son tata de Gori par les Toucouleurs d’Amadou, il dut quitter celui-ci en avril 1887. Il fut capturé par les hommes du lieutenant Reichemberg, traduit en cour martiale et fusillé par les Tirailleurs. Il mourut à 18 ans, en faisant preuve d’une grande dignité. SEJOUR A DIANA (1886-1887) Mamadou Lamine se retranche à Diana, capitale du Diakha, en Haute-Gambie. Il ne lui faut que très peu de temps pour réorganiser un véritable Etat, d’où il correspond avec Samory, Aguibou (frère d’Amadou), Saer Maty (fils de Maba Diakhou). Entre juillet et octobre, il remonte vers le Nord, envahissant le Boundou, dont l’Almamy Omar Penda est tué (16 juillet 1886). Deux colonnes françaises, sous les directions respectives du lieutenant-colonel Gallieni et du chef de bataillon Vallière, se rejoignent à Diana (25 décembre 1886), que Mamadou Lamine avait quitté la veille. SEJOUR A TOUBAKOUTA ET MORT (1887) S’étant établi à Toubakouta (Niani), Mamadou Lamine parvient, avec son habituel dynamisme, à reconstituer ses forces. Il monte une expédition contre le Ouli, dont le souverain s’est rallié aux Français. La capitale, Nétéboulou, est occupée et la famille royale est mise à mort (juillet 1887) Le capitaine Fortin, en garnison à Bani, rassemble une colonne, dite de Gambie. Il marche sur Toubakouta, dont il s’empare le 8 décembre. Mamadou Lamine avait fui avant le combat. Moussa Molo, souverain du Fouladougou et allié des Français, se lance à sa poursuite, et le rejoint à Ngogo-Soukota. Mamadou est blessé à la cuisse et transporté vers le campement français. Il meurt en chemin (12 décembre 1887). Son corps de décomposant est jeté dans la brousse, après que le griot de Moussa Molo en ait tranché la tête qu’il ramena aux Français. #Source_Soninkaradebu.com Le marabout El Hadj Mamadou Lamine d’après les archives françaises... Lire la suite…Le Fort de Bakel risque de crouler sous le poids de ses 190 ansDernières infosConstruit entre 1818 et 1819, le Fort de Bakel ne peut plus tenir avec ses 190 ans. Classé patrimoine historique mondial, ce Fort qui abrite la préfecture a besoin de travaux de réhabilitation. C’est, en tout cas, le cri du cœur des Bakelois. CLASSÉ PATRIMOINE HISTORIQUE MONDIAL : Le Fort de Bakel risque de crouler sous le poids de ses 190 ans. Construit entre 1818 et 1819, le Fort de Bakel est classé patrimoine historique mondial. Aujourd’hui, il a 190 ans et abrite l’actuelle préfecture du département de Bakel. Cette vieille bâtisse de la capitale du Gadiaga est construite sur une colline qui surplombe la ville. À l’instar du Fort de Dramane, une localité du Mali communément appelée Saint Joseph, ceux du village de Sindébou (village du département de Bakel) et Saint Pierre situé sur la Falémé qui sépare le Sénégal du Mali et de la Mauritanie, entre autres pays limitrophes du pays de la Téranga, le Fort de Bakel, autrement appelé Fort Faidherbe, a été repris vers 1820 sous forme de garnison qui pouvait contenir quelque 100 soldats, puisque c’est là que résidaient les Français. Ce Fort a été construit de sorte que ces soldats étaient en parfaite sécurité contre toute attaque extérieure. Ainsi, on se rappelle les affrontements que le guerrier Mamadou Lamine Dramé qui était à cette époque soupçonné de vouloir s’attaquer aux locataires, en l’occurrence les Blancs, avec à leur tête le capitaine Lefranc qui serait mort suite au malaria en 1886. Dans ces différents affrontements, les traitants locaux, parmi lesquels on retient les wolofs, avaient lutté auprès des Blancs contre ce guerrier et marabout soninké Mamadou Lamine Dramé qui mourut au courant de l’année 1887. La construction du Fort de Bakel signifiait beaucoup de choses. D’abord, le Fort servait de lieu de défense des Blancs et traitants locaux. Surtout, il devait abriter le siège du commandant du cercle avec une équipe composée d’administrateurs blancs communément appelés des «commandants de cercle». Ce qui fait que Bakel était une subdivision rattachée à Matam. Samba Diop fut nommé premier chef de cercle de Bakel alors que Ibrahima Sourang en était le premier préfet. La vue panoramique du Fort de Bakel se présente avec ses deux étages séparés l’un de l’autre par une petite passerelle établie en 1936. À l’intérieur, il y avait un magasin qui servait à garder des munitions. Des canons obliques se voient de loin un peu partout.... Lire la suite…Bakel, une ville chargée d’histoires abandonnée à elle-mêmeDernières infosSitué le long du fleuve Sénégal, au milieu de buttes rocheuses, Bakel offre un patrimoine historique riche et varié. Cette ville perdue au fond du Sénégal oriental regorge d’authentiques traces de l’époque coloniale. En la visitant, on découvre de magnifiques sites dignes d’admiration. C’est le cas du Pavillon René Caillé, du Fort de Faidherbe, des trois tours militaires et du cimetière des circoncis qui ont été inscrits en 2003 sur la liste des Monuments historiques et qui se présentent comme un trésor susceptible de sortir cette localité de l’anonymat. Malheureusement, tout cet héritage qui pouvait faire de Bakel une vraie destination du tourisme historique et culturel, est laissé à l’abandon. Et sa disparition pourrait constituer une perte capitale d’une partie de la mémoire collective. Il est des lieux d’une beauté fantasmagorique et d’une valeur insoupçonnées que le désenchantement conjugué à une certaine indifférence peut rendre invisibles et même plonger dans un anonymat absolu. La ville de Bakel, située à l’extrême-Est du Sénégal, en constitue un exemple parfait. Avec ses multiples collines qui la surplombent et qui font son originalité, cette ville, plusieurs fois centenaire, se dresse telle une carte postale. Le visiteur qui parcourt 850 km en provenance de Dakar, via Saint-Louis, Ourossogui, ou qui se tape 700 km en passant par Tambacounda se laisse envahir par le charme irrésistible de la vue panoramique que lui offre la nature avec des plaines verdoyantes et étendues qui, au lointain horizon, donnent l’impression de toucher le ciel. Dès l’entrée de cette contrée bien dotée par la nature, l’Histoire fait un clin d’œil. En effet, Bakel fait partie des villes chargées d’histoire. Son passé est marqué par divers événements tumultueux qui ont forgé son histoire. Deuxième ville du Sénégal à une lointaine époque, Bakel est une occupation très ancienne. Fondé entre le 11e et le 13e siècle, Bakel a d’abord appartenu au célèbre empire du Ghana, avant d’être envahi tour à tour par les Malinkés, les Soninkés et les Bambaras. Cette localité tomba sous la dépendance du pouvoir des Almamys du Boundou, avant de passer aux mains des colonisateurs français en 1819, qui y installèrent une garnison après avoir signé un traité de paix avec le seigneur local. Bakel fut ainsi une étape majeure de la pénétration française à l’intérieur du continent africain. Cette ville qui fut un carrefour incontournable du commerce de la gomme et de l’arachide, vit aujourd’hui sous les affres de l’exclusion et l’indifférence presque totale. Riche en histoire et en culture, Bakel ruisselle de trésors et comporte plusieurs monuments historiques à visiter impérativement. Du fort Faidherbe, avec ses canons pointés vers le fleuve et la vieille ville, au pavillon René Caillé, en passant par les trois tours de guet, le cimetière des colons. Ces nombreuses bâtisses, témoins de ce glorieux passé, qui se dressent encore dans un défi acharné contre les aléas du temps, peinent et constituent un chantier fertile malheureusement non exploité Des monuments délabrés Notre périple nous mène au Fort Faidherbe. Érigé sur une colline surplombant la ville, le Fort a été édifié sous le règne de Faidherbe qui voulut faire de Bakel le principal centre de résistance contre El Hadji Omar Tall. Cet emplacement géostratégique conforte le rôle militaire que Bakel fut appelé à jouer autrefois. Entouré de grandes murailles crénelées le long desquelles figurent encore les meurtrières où, jadis, les soldats plaçaient leurs fusils, le fort équipé de canonnières, a véritablement joué un rôle dans la stabilité de la zone. Démarrés en 1816, les travaux de construction ont été achevés en 1818. « Le fort construit pour rendre plus rentable le commerce sur le fleuve, car Bakel a été pendant longtemps le grand pôle économique de la région du haut fleuve avec surtout le commerce de la gomme et de l’arachide », nous informe l’historien Abdou Khadre Tandia. Avril 1886. Un point d’histoire non négligeable. C’est à cette date qu’a eu lieu l’attaque du Fort Faidherbe par le marabout soninké Mamadou Lamine Demba Dibassi Dramé. « Le rôle de Bakel était de protéger les traitants (Maurel et Prom, Peyrissac), mais aussi contre les Maures, qui attaquaient de l’autre côté, ainsi que les pulaar. Mamadou Lamine Dramé, venu pour la diffusion de l’Islam, s’est trouvé en face des Français. En 1886, il attaqua le fort et créa une grande confusion. Le marabout et sa troupe sont arrivés à Modinkané un jour de vendredi. Arrêtant le combat pour prier, ils ont été attaqués, par surprise, par les colons qui ont tiré un coup de canon dans la foule, créant une folle débandade. Le marabout a voulu remobiliser ses hommes pour contre attaquer, mais la surprise de l’attaque était telle que tout le monde avait disparu. Il échoua donc et fut chassé hors du Sénégal par l’armée française», rappelle M. Tandia, qui a fait sa thèse sur l’attaque du fort de Bakel. En décembre 1887, le marabout est vaincu et tué par les Français à la bataille de Toubacouta, à la frontière avec la Gambie. Aujourd’hui, la forteresse est encore debout, comme pour narguer le temps. Âgé de près de deux siècles, cet édifice se dresse encore fière de son passé glorieux sur une haute colline, contemplant, dans un silence absolu, la profonde vallée. En face, sur la rive droite, se trouve Gouraye, en Mauritanie. Le Fort de Faidherbe abrite désormais les services de la préfecture. Un musée à ciel ouvert Une seule journée ne suffit pas pour connaître la ville de Bakel qui a beaucoup donné sans rien recevoir en retour. Mais le temps étant compté, il fallait mettre les bouchées doubles. Dans cette randonnée, Idrissa Diarra, un directeur d’école à la retraite, accepte de nous servir de guide. Homme de culture, les populations et même les étrangers le connaissent comme étant un grand passionné d’histoire, particulièrement celle de Bakel qu’il se fait un plaisir de partager généreusement avec tout visiteur qui débarque. L’expédition se révèle être un véritable voyage dans le Bakel de l’époque coloniale. Direction pavillon René Caillé. Sous un soleil de plomb, qui darde ses rayons meurtriers, l’accès au site demande du temps et beaucoup d’énergie. Pour notre part, pressés de voir de plus près ce site, nous avons choisi la voiture. Mais impossible d’avancer. On y accède par un dédale de ruelles caillouteuses. Une fois là haut, on est charmé par la vue pittoresque, les constructions flirtant, parfois, avec la colline, les mosquées… bref, tout Bakel en miniature. Notre guide se prête volontiers au jeu des questions-réponses. Selon M. Diarra, l’explorateur français n’a pas construit ce pavillon. Il n’était que de passage au cours d’un voyage qui devait le mener à la ville légendaire de Tombouctou en 1824. Les gens ont pensé l’honorer en lui donnant le nom de ce pavillon. Ce pavillon est patrimoine de l’Humanité. Il a tour à tour servi d’école, logement au chef d’arrondissement, à l’adjoint du préfet, de gendarmerie. La mairie avait pris quelques initiatives, en transformant, en 1988, cet endroit en un Centre de lecture et d’animation culturelle (Clac). Malheureusement, cette expérience n’a pas marché, faute de lecteurs. Cette bibliothèque a baissé pavillon. Pis, les enfants, insouciants, ont cassé les portes pour voler les livres. Cette bâtisse, devenue un musée à ciel ouvert, est quotidiennement exposée à l’usure et au délabrement. Ce site fait le bonheur des enfants qui s’y adonnent à leurs jeux de cache-cache, mais aussi aux populations qui viennent y satisfaire leurs besoins naturels. Du fait de ce délaissement déconcertant, il abonde d’ordures et de déchets qui entraînent inéluctablement des odeurs nauséabondes qui étouffent les visiteurs. Le pavillon est laissé à l’abandon et chaque jour qui passe, une partie de son histoire part avec une petite lueur d’espoir quant à sa restauration. Ce qu’il faut, selon M. Diarra, c’est la sécurisation de tous ces lieux emblématiques. « Ce n’est plus pour Bakel, mais pour l’Humanité tout entière. Il faut que l’État prenne bien soin de ces endroits. Et une fois réhabilités, il faut qu’on pense mettre des gardiens pour assurer la sécurité afin qu’il garde leur côté culturel et historique », a-t-il soutenu.... Lire la suite…